L'histoire :
Dans un patelin de province, Tomi a environ 15 ans. Il est fils unique et vit avec sa mère légèrement obèse et en détresse affective. Une famille monoparentale. Il est à l’âge où on se cherche, où on est un peu désœuvré, livré à soi-même, l’âge où on fait des conneries (une limace dans un grille-pain…), où on a les hormones qui travaillent… Tomi se masturbe devant du porno en ligne et manque de se faire toper par sa mère. Il fait des dessins obscènes, il manque de fiche le feu à la maison en jouant avec des allumettes, il parle mal à sa mère… Le soir, il mesure la longueur de son pénis avec un double-décimètre pour voir s’il grandit. Un jour, au lycée, en plein cours de maths, il se met à saigner du nez. Il va donc à l’infirmerie, mollement, et en profite pour déambuler dans les couloirs. Il fait alors la connaissance de Féliks, qui s’est caché sur le toit de l’établissement pour fumer une clope. Féliks a les mêmes obsessions que lui, mais en plus expérimenté et doctrinaire. Il parle sans cesse de bites, de couilles, de chattes et il s’y connait carrément. Tomi est plutôt séduit par ce prodigieux partage de connaissances et il s’en fait un copain. Ils se donnent régulièrement rendez-vous, pour délirer…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Halala, l’adolescence… Vous souvenez-vous de la vôtre ? Etiez-vous aussi tourmenté par les choses du sexe que notre brave Timo, mis en scène par Lola Halifa-Legrand et dessiné par Yann le Bec ? Dans un registre graphique noir et blanc brut, encré, réaliste, mais très minimaliste concernant les décors, le duo d’auteurs porte un regard à la fois tendre et piquant sur l’âge ingrat et ses inévitables mauvaises fréquentations. L’étude psychosociologique est ici incroyablement juste et évocatrice. On n’est pas précisément dans le contexte d’un thriller, mais dès la première scène de branlette, on frissonne de se faire choper par la mère, alors qu’on est accroupi à poils dans la baignoire, juste dissimulé par un rideau opaque en acrylique. Et cette capacité à happer le/la lecteur/trice avec trois fois rien, dans un quotidien ordinaire, n’est pas donné à tout le monde. Mais revenons-en à ce fameux « Ami » du titre. Notre protagoniste central sympathise donc avec un frimeur, un branleur, un intello du cul qui sait tout et a tout vu, et sait en rire et faire rire. Un mentor en matière de pulsions sexuelles ! Une influence surtout toxique, un pervers narcissique, qui l’amène à faire des bêtises aux conséquences de plus en plus graves… jusqu’au drame. Les auteurs dépeignent incroyablement ce moment charnière d’une vie qui fait que tout bascule ou tout se pardonne. Et c’est généralement pendant l’adolescence.