L'histoire :
Il cogne, Anton Witkowski. Il a de l’or dans les mains et il le sait. Ce qu’il voudrait, c’est foutre le camp du Lycée (c’est bien parti, car on lui promet une prochaine exclusion) et devenir pro. La boxe et le fric, en somme, pour remplacer une vie dans une cité pourrie à bouffer des pâtes à longueur de semaine sur du formica. Le problème, c’est également le paternel qui ne veut entendre parler que du baccalauréat. Alors Anton s’entraine en attendant que le vent tourne définitivement. Et il ne tarde pas à tourbillonner, ce coquin, quand un soir, au pied levé, le jeune homme doit combattre en lever de rideau des championnats de France à Gentilly : en 2 rounds et sans forcer, son adversaire est au tapis. Ca le rend fier, Anton, les quelques billets récoltés qu’il dépose sur la table de la cuisine pour ses parents. Mais ça ne dure pas longtemps, car son père n’en veut pas. C’est la goutte d’eau. Witko abandonne famille, études, « cité des oiseaux » pour signer son premier contrat. Son ascension est fulgurante. A la mesure de son arrogance et de son mépris de l’adversaire, qui le rendent peu sympathique vis-à-vis des média. Le gamin est cependant un boxeur de génie, qui gravit les échelons de la hiérarchie mondiale aussi vite qu’il s’éloigne définitivement de sa famille et de son ami Mo…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bonne idée que de nous faire remonter sur le ring pour nous offrir en intégrale l’un des récits les plus rageurs de notre bon Président (…du festival d’Angoulême 2011, évidemment). Witko, son boxeur à fleur de peau, mérite en effet incontestablement le détour : infecte arrogance, science de l’esquive et génie du crochet-uppercut, parcours en montagnes russes ou inamovible besoin de faire un bras d’honneur à sa condition de fils de banlieue, interdisent toute demi-mesure et rendent cet écorché attachant. Avec cet Enragé, Baru démontre que si promotion sociale et sport peuvent souvent faire bon ménage, il faut passer aussi parfois par la case dommage collatéral pour gouter la pleine saveur d’une destinée particulière. Au-delà, il y a en filigrane la relation père-fils, l’amitié, ou plus simplement le besoin de se sentir aimé qui, à l’évidence, sont mis en contrepoids dans la balance des valeurs (à l’opposé du fric et de la popularité). Une belle manière de montrer que sans avoir préalablement pris le soin de se tisser un petit cocon, la rage ne peut rien. Même la virtuosité de l’esquive sur un ring n’empêche pas les coups bas : on est alors bien plus seul que jamais… Pour ce qui est de la manière de faire, l’auteur sait admirablement faire passer l’émotion de planches en planches : rage, désarroi, amour, énergie, se croquent à pleine dents via un trait vif, une parfaite lisibilité du dessin et une narration habile (malgré de savonneux flashbacks) au parfait tempo de la personnalité de notre jeune héros. Au regard de cet impeccable agencement, générateur d’une accroche de bout en bout, on oubliera l’épilogue un brin « too much » et finalement pas si nécessaire. Une œuvre incontournable en tous cas : un bel exercice de bande dessinée… mais sans aucun bonus pour cette réédition du diptyque complet.