L'histoire :
Varsovie, 1944. Le printemps commence à peine, la guerre se termine. Mais ça, Alicja et d’Edward ne le savent pas encore. Ils savent simplement qu’ils s’aiment dans cette ville qui essaie de retrouver le calme malgré l’occupation allemande… et la tragédie de l’année précédente dans le ghetto juif. Le calme s’installe pourtant difficilement, si bien qu’Edward et Alicja se demandent si leur vie changera un jour ou s’il ne suffit pas d’être polonais pour mourir bientôt. Quoi qu’il en soit, ce début de printemps marque un évènement puisque Alicja présente enfin Edward à ses parents. Arrivé dans l’appartement, et après avoir essuyé quelques doutes puisqu’on parle de lui comme le « nouveau » fiancé (ce qui lui laisse imaginer qu’il y en a eu d’autres avant lui…), Edward fait la connaissance des parents d’Alicja. Ils le mettent d’ailleurs aussitôt à l’aise en lui offrant une paire de chaussons troués. Il rencontre également Krystyna, la sœur aînée d’Alicja, qui va bientôt se marier. Le repas se passe comme un charme. Bien qu’il soit difficile de se procurer de l’alcool, un verre de vodka accompagne même la fin du dîner. Krystyna enfile sa robe de mariée avec la vive désapprobation de sa mère qui affirme que ça porte malheur. L’heureux élu, Roman, est quant à lui absent. Il vit pourtant chez ses beaux-parents (mais ne dort pas avec sa promise !) depuis la mort de Jan, le frère d’Alicja et de Krystyna…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une colorisation qui se joue des noirs, des blancs et d’une subtile bichromie. Des cadrages aux silences pesants qui cèdent la place à des visages faussement insouciants. La simplicité comme arme et une véritable « patte » pour ciseler avec précisions ses intentions… Le dessin de Gawron (Krzysztof Gawronkiewicz) installe le récit à la perfection dans une valse émotionnelle peu commune : lente, gorgée de drames passés ou à venir et généreusement attachée à l’envie de vivre malgré tout avec, pour objectif, la liberté. Et c‘est bien là la véritable réussite de cette première soixantaine de pages : asseoir un fait historique connu, nous en faire palper la violence sans aucune brutalité, par le judicieux truchement de vies « ordinaires » n’ayant aucun autre choix que de vivre ce que l’Histoire leur a proposé. Ces vies, ce sont d’abord celles d’Alicja et d’Edward qui s’aiment passionnément. C’est également celle de Krystyna qui va bientôt se marier avec le meilleur ami de Jan, son frère, résistant qu’on croyait immortel et pourtant froidement abattu il y a peu de temps. Ce sont enfin celles des habitants de l’immeuble d’Alicja : ses parents ; un commerçant fou d’amour pour une femme expulsée dans le ghetto juif ; ou encore Anna prise au piège de sa passion pour un officier nazi. Soutenu par un texte saisissant, narré en voix off (en une sorte de long flashback), tantôt par l’intermédiaire d’Alicja, tantôt par celui d’Edward, l’ensemble se refuse tout jugement et force l’attachement à chacun des protagonistes. Des personnages qui se refusent d’être des héros, rêvent simplement d’amour, de printemps et de liberté Certains gagneront la résistance et tous vivront ce fameux « orage », cette insurrection de Varsovie, tisonnée si sensiblement, dans cette première partie, par une scénariste qu’on avait appris à apprécier à travers son incroyable petite Marzi.