L'histoire :
Le « camp-volant », c’est sous cette appellation que dans les Ardennes on nommait au siècle dernier les vagabonds dont le campement précaire pouvait être levé à tout moment. Accoutumé à sa solitude, celui qui nous intéresse fait montre d’une certaine sagesse et dispose (donc) d’une totale indépendance. Vivant de peu de chose, de chasse et de nature, des dons des paysans pour lesquels il officie en tant que rebouteux pour les animaux, il est également un fabuleux conteur, que l’on aime à entendre autour d’une bonne choppe. Ainsi narre t-il un jour l’histoire du rustre Firmin Pissecrosse, récemment marié à une simplette prénommée Berthe. Tant bien que mal, cette dernière lui donna néanmoins un beau bébé, qu’elle se mit à chérir plus que tout. Mais une nuit, deux gnomes entrèrent par leur fenêtre, sans éveiller la maisonnée, et remplacèrent le nouveau-né par l’un de leur rejeton, vilain et malingre. La démence s’empara alors de la Berthe qui se jeta du haut du plus grand arbre de la forêt. L’enfant fut alors confié aux bons soins de la Philomène, pour revenir plus tard dans la région, sous les apparences d’un camp-volant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il n’y a pas 36 collections capables de faire honneur au talent de René Hausman. Idéalement publié sous la bannière Aire libre, ce nouveau one-shot féerique fait la part belle aux contes et légendes populaires d’Ardennes et de Lorraine. Le « camp-volant », vagabond un peu mystique, est à la fois héros et narrateur. Ce double de papier se fait ici l’écho des souvenirs d’enfance de Hausman, des contes narrés par sa grand-mère, tantôt véridiques (l’épisode avec l’Uhlman), tantôt agrémenté de moult croyances populaires. Ainsi cette légende du bébé escamoté nuitamment par un petit gnome, ou encore celle qui permet parfois aux humains d’emprunter son apparence au règne animal (biche, chats, loups…), l’espace de quelques heures. Hausman ne cherche pas à distinguer la réalité de la fiction et il esquive avec sagesse les séquences spectaculaires. Il s’agit avant tout pour ce vétéran du 9e art de nous faire partager un peu de son folklore rustique local (il a longtemps été la vedette d’un groupe folklorique wallon, Les Pêletêus !). Crayon, encrage puis aquarelles, son dessin est couché à l’aide des bonnes vieilles méthodes artisanales, de toute beauté, plus proche de l’illustration que du rendu visuel de la plupart des techniques « violentes » bédéphiles actuelles. Certaines cases atteignent un équilibre graphique rare (notamment celle du bucheron et de son cheval, p.38), signature des plus grands. Splendide !