L'histoire :
Rappahannock River, État de Virginie, 1863. Des soldats sont dans leur train-train quotidien. Ils jouent aux cartes, lisent le journal, pèlent des pommes de terre, se baignent, jouent du violon sur un tonneau de poudre à fusil... Quand tout à coup, Jim Conklin, un soldat, sort tout ce beau monde de sa torpeur en criant : « Ça y est, nom de Dieu ! C'est pour demain ! » Alors que chacun patientait et rongeait son frein, tout le monde se met en ordre de bataille. Cette fois-ci, c'est la bonne. Jim tient ça d'un type dont le cousin est ami avec un officier d'ordonnance du QG. Ils vont remonter la rivière, la traverser et contourner les rebelles par l'arrière. Les autres soldats sont un peu perplexes. Ça fait tellement longtemps qu'on leur dit qu'ils vont en découdre. Henry Fleming, jeune fermier de 18 ans, fier de s'enrôler dans l'armée nordiste quand il a quitté sa mère, voit ses questions intérieures se réveiller... Jusqu'à aujourd'hui, il n'avait pensé qu'à une seule chose : devenir quelqu'un aux yeux des autres. Et maintenant que l'occasion se présente, le champ de bataille lui ouvre les bras. Il se souvient des discussions qu'il avait avec sa mère face aux champs. Henry interpelle sa mère. Les États du Sud veulent quitter l'Union et on va rester les bras croisés comme ça, sans réagir ? Il en restera quoi, de la Grande Amérique ? Ses copains ont déjà quitté le village pour aller se battre. Henry a la ferme idée de s'engager dans les troupes nordistes, que sa mère le veuille ou non...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après Cinq branches de coton noir, qui a rencontré un chouette succès public et critique, avec Yves Sente au scénario, Steve Cuzor revient aux affaires en auteur complet. Exit la seconde guerre mondiale et place à la guerre de Sécession. Avec la guerre du Viêt-Nam, elle fait partie des guerres possédant une aura et un trauma singulier dans l'histoire américaine. Le combat d'Henry Fleming est une somptueuse charge pacifiste, interrogeant sur le concept même d'héroïsme. En adaptant librement The Red Badge of Courage, de Stephen Crane, monument de la littérature américaine, il explore d'une nouvelle façon le mythe américain. En utilisant l'introspection, il nous entraîne au cœur du questionnement intérieur d'Henry Fleming, dont la motivation s'effiloche, avec un dialogue mené avec lui-même. Quand le jour J survient, c'est la plongée dans la réalité. Henry Fleming, installé dans ses propres turpitudes, l'âme tourmentée, est face à ses questions : aura-t-il la force et le courage de participer à la grande boucherie qui s'annonce ? Comment se comportera-t-il face à l'ennemi sudiste ? Arrivera-t-il à le tuer ? Sa réponse, il va la trouver au cœur des détonations de la bataille... Cuzor, dans ce travail qui l'a accaparé pendant de longues années, parvient avec maestria à captiver, à nous faire entrer dans la bataille. Son dessin a un côté gravure modernisé. Nébuleux, émotionnel, il s'affranchit du classicisme convenu, avec un grain particulier et des tonalités chromatiques uniformes, variant en fonction du jour et du moment choisi. Le combat d'Henry Fleming résonne par son actualité et par le talent de Steve Cuzor.
