L'histoire :
Lorsque Charles III dit Le Gros répudie sa femme, Richarde, celle-ci retourne dans son Alsace natale suite à une vision divine. Là où une ourse gratte la terre pour enterrer son petit, elle devra y faire bâtir une abbaye. Quelques années plus tard, en 880, l’abbaye bénédictine d’Andlau sortira de terre et sera irrémédiablement liée à cet animal, roi des forêts. Bien des siècles après, en 1760, dans la vallée de Munster, tandis qu’un village festoie autour de la dépouille d’un ours, Mathis, le fils du fermier le plus influent de la région, ne laisse pas insensible le cœur des jumelles Eva et Maria. Hélas, le père du garçon lui interdit de les fréquenter, car on les dit filles de sorcières. Mais à 18 ans, les interdits sont faits pour être bravés et les amours pour être consommés... Cependant, avec des jumelles qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau, est-on jamais certain de tenir entre ses bras celle qu’on croyait ? Qui de Maria ou d’Eva porte l’enfant de Mathis ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Créature légendaire née de l’union entre une femme et un ours, Jean de l’Ours prend ses racines au travers d’un conte populaire et folklorique de la mythologie pyrénéennes, mais qui existe aussi sous différentes variantes dans plusieurs régions, dont celle des Vosges. Visiblement inspiré par le film L’Ours de Jean-Jacques Annaud (1988) et fervent admirateur de la culture alsacienne et plus particulièrement de celle des Vosges, Jean-Claude Servais propose ici une adaptation de cette vieille légende avec un souffle poétique et quasi-mystique. Pour ce faire, l’artiste, en véritable paysagiste dans son approche artistique, transporte le lectorat au cœur de la vallée de Munster avec beaucoup d’aisance. L’homme réussit le tour de force de détailler avec soin la forêt Vosgienne (qui en devient presque un personnage à part entière) avec un accent poétique certain. Mais loin de transposer en images un simple conte légendaire, l’auteur prend le temps de développer plusieurs intrigues à tiroirs via le triangle amoureux entre Maria, Eva et Mathis. Ainsi, on va entrevoir la complexité des personnalités de chacun, avec en seconde lecture, la place de l’homme face à la nature et plus particulièrement dans sa relation avec l’ours, vu comme une entité démoniaque par la religion. En ce qui concerne la seconde partie de la bande-dessinée axée sur l’arrivée d’Aldric, le fils de l’ours, et de sa mère dans le monde des hommes, elle va prendre la forme d’une confrontation plutôt romanesque entre le jeune homme et la famille de Mathis. Les destins croisés des différents protagonistes s’entrecroisent et s’entrechoquent ainsi avec une parfaite cohérence. On sent que l’auteur a peaufiné son scénario sur le mythe de Jean de l’Ours afin de lui rendre ses titres de noblesse, tout en jouant sur un équilibre entre mysticisme et réalisme. En définitive, le Fils de L’Ours est un récit aux accents merveilleux et oniriques qui nous plonge au cœur des Vosges et de l’Alsace de 1760. Jean-Claude Servais a su reprendre à son compte une vieille légende locale et l’adapter avec beaucoup de poésie. L’artiste a su par là-même, y insuffler une dimension moderne en amenant le lecteur à s’interroger sur la place de l’ours dans les forêts dominées par l’Homme, tout en redorant l’image du plantigrade.