L'histoire :
En mai 1937, le belge Jean Dupuis, qui est à la tête d’une maison d’édition publiant des romans illustrés et des périodiques (Le moustique et Bonnes soirées) à Marcinelle, décide de lancer une revue pour la jeunesse. Une réunion de famille décide du contenu et de son titre : Le journal de Spirou est né. Le romancier Jean Doisy est chargé d’en assurer la rédaction en chef, ce qui est pour le moins paradoxal, étant donné qu’il est communiste alors que Jean Dupuis prône plutôt des valeurs chrétiennes et patriotiques… En novembre 1937, le personnage espiègle, loyal et généreux de Spirou est déterminé. Ne reste plus qu’à lui trouver un dessinateur ! Ce sera le français Rob-Vel, de son vrai nom Robert Velter, qui a l’expérience des comics américains et qui vient de sortir le journal Toto. Paul Dupuis (fils de Jean) se rend à Paris pour lui proposer une collaboration. Se rappelant son expérience en tant que stewart sur les paquebots transatlantiques, le dessinateur propose que Spirou incarne un groom. Sa femme lui adjoindra un animal de compagnie deux ans plus tard : Spip, l’écureuil (qui se dit « spirou » en wallon…).
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On connaissait l’auteur François Ayroles éminent membre de l’OuBaPo, féru d’expérimentations en bandes dessinées, explorateur de chemins de traverses narratifs… On le découvre aujourd’hui dans un exercice plus classique, mais en tant que fin connaisseur de l’histoire des éditions Dupuis. C’est en effet à une sorte de biographie de cette maison d’édition presque centenaire, que nous convie l’auteur dans ce petit (mais très épais) bouquin, avec une précision d’intimité étonnante et un sens de « l’irrévérence respectueuse », toutes deux validées par l’éditeur. Dans un style graphique caricatural très lisible, Ayroles propose une illustration toutes les deux pages (page de droite), mise en exergue de l’anecdote clé relatée (page de gauche)… sur plus de 300 pages. Selon ce principe, Ayroles raconte les cinquante premières années de « l’école de Marcinelle », débutées en 1937, jusqu’à la retraite de Charles Dupuis, en 1985. Soit des pionniers de la BD jusqu’à l’âge d’or, qu’on caractérise aujourd’hui par l’appellation « école de Marcinelle ». Au gré des aléas authentiques du XXème siècle, on revisite ainsi l’Histoire franco-belge (la seconde guerre mondiale, mai 68) et on constate aussi que, de tous temps, les auteurs de BD ont été en « crise », revendiquant des droits, des salaires décents, dénonçant des spoliations, des dissensions, des désaccords… dans un milieu concurrentiel pourtant relativement restreint (Tintin, Pilote). La période a connu de prestigieux rédac chef comme Jean Doisy, Yvan Delporte, Thierry Martens, Alain de Kuyssche… mais aussi et surtout des auteurs devenus cultes : Jijé, Morris, Peyo, Franquin, Tillieux, Maurice Rosy, Greg, Charlier, René Follet, René Goscinny, René Hausmann, Roba, Will, Jidéhem, Walthery, Lambil et Cauvin… Un casting qui force le respect. En passant, on note que l'auteur est décidément un fana de l'exercice des Moments clés : il a déjà fourni ceux de L'histoire de la BD (chez Alain Beaulet éditeur) et de l'Association (chez l'Association...).