L'histoire :
Le sergent Chesterfield profite d’une permission pour s’encombrer de Blutch sur le chemin du fort Bowie, où il compte rendre une énième visite courtoise à Miss Amélie Appletown. Or chemin faisant, au milieu du désert de l’Arizona, ils assistent de loin à l’agression de bandits masqués sur un binôme de sudistes. Ils ne peuvent intervenir et arrivent juste à temps pour recueillir le dernier souffle de l’un d’eux. Avant de trépasser, le sergent Carson demande à Chesterfield de remettre une médaille à sa fiancée Scarlett. En soldat respectueux de l’éthique militaire et de son adversaire, Chesterfield change donc sa destination et met le cap sur le Texas pour exécuter les dernières volontés du sergent confédéré. Evidemment, Blutch l’accompagne… en râlant. L’état du Texas étant officiellement sous administration sudiste, ils échangent leurs tuniques bleues contre des ponchos de peones. Dès la première localité traversée, ils sont alors contrôlés par des soldats confédérés. On trouve sur eux une lettre de Scarlett et on les prend donc pour Carson et Donovan en mission secrète ! Ils sont d’ailleurs attendus pour une importante réunion d’état-major, à laquelle assiste le fils du général Lee, jeune officier. Blutch et Chesterfield sont alors mis dans la confidence : il va leur falloir escorter un important chargement de lingots d’or destinés à financer l’armée confédérée et à leur donner l’avantage. Entendant cela, Chesterfield change une nouvelle fois sa mission de priorité…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On croyait Kriss désormais scénariste attitré des Tuniques bleues (après le décès de Raoul Cauvin). Que nenni : voici Fred Neidhardt au générique de ce 68ème opus, avec un scénario tout à fait raccord avec la psychologie des personnages et le ton général de la saga culte. Le célèbre duo Chesterfield et Blutch s’auto-attribue cette fois une mission d’infiltration pour s’emparer d’un formidable chargement de lingots d’or destinés à favoriser grandement l’armée sudiste dans sa guerre contre les nordistes. Evidemment, avec deux olibrius comme eux, vous vous doutez bien que ledit or ne profitera à personne… et comme d’habitude, ça ne sera même pas de leur faute. Toujours dessinée par papy Willy Lambil (88 ans !), en mode automatique sur sa griffe humoristique, l’aventure se ponctue toujours d’engueulades entre les deux héros, de retournements imprévus, d’infos historiques authentiques et d’infiltrations improbables. Par exemple, alors qu’ils sont grimés en sudistes, on leur propose de s’infiltrer déguisés en nordistes… soit leur uniforme d’origine. Neidhardt en profite aussi pour glisser quelques allusions antimilitaristes universelles qui interpellent toujours en 2024 : « Il faudra m’expliquer […] la différence entre guerre et assassinat de masse ». Il remet aussi le prétexte de l’abolitionnisme à sa juste place, au travers du personnage de Jones, ordonnance noire du jeune Lee. « Les richesses du Nord comme celles du Sud sont fondées sur le commerce des esclaves ».