L'histoire :
Le jeune lieutenant de police Bertillon a été appelé sur le site d’une fête foraine. Un incendie de caravane vient d’avoir lieu, que les pompiers viennent tout juste de circonscrire. Bertillon ne peut que constater le drame : le squelette carbonisé d’un jeune forain dans un sac plastique, destiné à la morgue. Bertillon fait son job de repérage sur la carcasse encore fumante de la caravane. Il y trouve un bidon d’essence (vide) et un pendentif en forme de crane de bison rouge. Puis il doit évoquer avec le père de la victime, Joshua, le chef des forains, les circonstances de l’incendie et la mort de son fils. Froid, distant, Joshua semble à peine affecté. Une puissante omerta règne visiblement sur ce clan de gens du voyage. Bertillon est éconduit de manière relativement musclée. Mais en professionnel opiniâtre, il tente de recueillir d’autres témoignages, car rien ne semble naturel dans cet incendie « accidentel ». Il apprend ainsi que la victime, Dylan, était plus ou moins fiancé à Wanda. Et que son décès arrange bien un autre prétendant, Derek, qui s’occupe du stand de tir. Il apprend aussi que Dylan s’était engueulé la veille de sa mort avec Nicole, une femme métisse colossale qui s’occupe du manège pour enfants…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce premier tome des aventures du Lieutenant Bertillon introduit un nouveau personnage de policier attachant, mais un peu en retrait du classique genre polar. En effet, jeune policier consciencieux, Bertillon enquête initialement sur le site d’une fête foraine, au sujet de la mort d’un forain qui – attention spoiler – n’est pas mort. L’enquête s’oriente alors rapidement sur les origines de cette volonté de disparition et les lois de la communauté des gens du voyage, avec des problématiques familiales, sentimentales et politiques intrinsèques à cette culture, qui deviennent le propos numéro 1. L’omerta de rigueur du milieu est une mécanique très utile au ménagement du suspens : les révélations viennent, mais toujours avec un certain délai, ce qui permet d’accrocher le héros et le lecteur. Une parenthèse en flashback au temps des peaux rouges en prime, le scénario de Carine Barth verse alors plus volontiers dans les considérations shamaniques que policières. En plus de s’occuper du dessin (avec des couleurs de Drac), Cyrille Pomès participe lui aussi à la narration… et il persiste donc dans la thématique sociale des forains (voir Le fils de l’ursari). Mais c’est son style graphique, une griffe semi-réaliste d’une élasticité à nulle autre pareille, encensée en préface par Mike Mignola himself, qui fait une nouvelle fois la plus-value de cette nouvelle série. Les proportions des personnages, les profondeurs et les rapports avec les éléments de décors, rien ne semble au cordeau… et pourtant dans les postures, les expressions, les décors et les cadrages, tout est très fonctionnel dans la séquence et remarquablement cinématographique.