L'histoire :
Agata est une jeune fille envoyée au sanatorium après la mort de sa mère. Elle n'est pas malade, mais son père veut la retirer du scandale qui a éclaté. Sa mère a été assassinée par son amant. Les rumeurs vont bon train, et elle se retrouve dans cet endroit prétendument hanté, qui rassemble ici tous les enfants de la honte. Agata porte également le même nom qu'une sainte qui fut martyrisée. Santa Agata de Catane était d'une très grande beauté, et elle avait choisi d'accorder sa virginité à Dieu. Cependant, lorsqu'elle refusa les avances du proconsul de Sicile, celui-ci la fit enfermer et torturer. On lui coupa les seins avec des tenailles et ses blessures lui firent perdre la vie. Un tremblement de terre se déclencha à sa mort.
Lucia fut surprise avec un soldat allemand à la fin de la seconde guerre mondiale. Son crime entraîna la tonte de ses beaux cheveux sombres, et elle fut écartée de toute vie sociale. Elle porte également le même nom qu'une sainte, Santa Lucia de Syracuse, une vierge martyre.
Enfin, Rosalia, fille et sœur de mafieux, témoigna contre son propre camp en Sicile. Elle fut placée sous protection policière pour avoir permis de démanteler un réseau de la mafia. Et son nom est similaire à celui de Santa Rosalia de Palerme, patronne de la ville de Palerme.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nine Antico propose ici une BD engagée, à la frontière des genres. On sent l'inspiration de la BD alternative et indépendante, mais aussi des emprunts au cinéma, au théâtre ou au conte de tradition orale. Elle dresse le portrait de trois femmes, évoluant dans l'Italie du XXème siècle. Trois destins tragiques, sombres et violents, interconnectés avec les récits des saintes au nom associé à celui d'héroïnes. Trois vies dictées par le patriarcat, sacrifiées sur l'autel des valeurs sociales, pour lesquelles le sexe, la mort et la souffrance seront le fil rouge. Chaque nouveau chapitre s'ouvre sous les yeux des lecteurs lorsque le rideau rouge laisse apparaître le visage d'une femme dont le nom résonne. Agata, Lucia, Rosalia. Le récit est parfois difficile à suivre, les destins présents et passés s'entremêlent si étroitement qu'ils nous font perdre le fil de la réalité. Le lecteur peut parfois perdre cette mise en perspective. Ce qui résonne, en revanche, ce sont les conditions de vie terribles de ces femmes, martyrisées de tout temps. Le dessin de Nine Antico est en noir et blanc, gras, prenant des libertés, sortant des carcans établis. Il insiste sur ces vies sombres qui ont traversé les époques. Elle garde également, dans les bulles, les dialectes italiens, immergeant le lecteur français dans cette atmosphère étrange, sur laquelle il n'a pas la main.