L'histoire :
Autodidacte, pugnace et sensible, le scénariste Raoul Cauvin est surnommé « Monsieur trois millions d’albums ». En réalité ce doit être un peu moins… mais pas loin, étant donné que dans cette monographie épaisse de 400 pages qui lui est consacrée, il faut 8 pages en fin de volume, ne serait-ce que pour lui lister une bibliographie « sélective » ! Pour vous rafraîchir la mémoire, voici ses principales séries : L’Agent 2012, Câline et Calebasse, Cédric, Cupidon, CRS = détresse, Du côté de chez Poje, Godaille et Godasse, Les femmes en blanc, Lou, Les paparazzis, Pauvre Lampil, Pierre Tombal, Les psy, Sammy, Spirou et Fantasio (et oui !), sans oublier évidemment son plus gros succès : Les Tuniques bleues. Derrière la belle préface de Zidrou, le journaliste Patrick Gaumer a retranscrit les confessions de Cauvin et les témoignages de ses proches collaborateurs en 8 gros chapitres. Ces derniers sont découpés comme autant d’étapes d’une vie de labeur et de passion, entièrement dédiée à ses dessinateurs, son éditeur, son métier. De son enfance jusqu’au 26 septembre 2013, où à l’âge de septante cinq ans (75 en français), le scénariste prend officiellement sa retraite de salarié des éditions Dupuis – un statut qu’il a toujours tenu à conserver, malgré ses succès – Cauvin égraine alors avec moult détails truculents ou graves, ses séries, ses embûches, ses amitiés. Entre deux, il laisse également la parole à 6 de ses dessinateurs, devenus des amis : Willy Lambil, Philippe Bercovici, Marc Hardy, Laudec, Bédu et Daniel Kox.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le journaliste spécialisé BD Patrick Gaumer fait coup double en cette fin d’année 2013. Aux côtés de l’impressionnante et luxueuse Monographie de Rosinski, il publie en effet également ce plus petit (mais non moins épais) pavé consacré à Raoul Cauvin. Croyez-le ou pas, malgré la prolifique carrière de scénariste du papa des Tuniques bleues, Cauvin n’avait jamais bénéficié d’ouvrage encyclopédique sur son œuvre. Le monsieur est en effet discret et modeste… Il fallait bien un journaliste de la trempe de Patrick Gaumer, qui impose une complicité naturelle sans prétention, pour que Cauvin se laisse aller à la confidence. Il était aussi grand temps que les éditions Dupuis fassent honneur à l’un de leur plus fidèle auteur. Dans sa forme, cette Monographie présente, sur les pages de droite, les confessions et les mémoires rédigées de Cauvin ; et en vis-à-vis à gauche, des photos souvenirs, des illustrations, des planches, des croquis, des scénarios gribouillés ou découpés, bref, une somme documentaire pharamineuse et passionnante. Au fil de la lecture, on (re)découvre véritablement cet auteur ultra-connu mais fort peu célébré. Autodidacte, généreux, modeste, infatigable… on l’a aussi souvent « traité » de populaire, ou de ringard, ce qui lui valut d’être malaimé du salon d’Angoulême – et il le lui rendra bien. A raison, Cauvin a toujours été fier d’être « un vilain commercial », car ses succès ont permis d’assurer de belles années aux éditions Dupuis et donc à de nombreux autres titres, plus confidentiels, d’exister. A travers ce pavé, le travail de Gaumer est exemplaire, dans le sens où il souligne le juste talent d’un auteur emblématique de l’âge d’or de la BD « gros-nez », conserve la proximité et donne l’accès à des ressources iconographiques rares.