L'histoire :
Jaime est encore un gamin quand la mort de Franco est annoncée à la télévision ce soir de Novembre 1975. Ce n'est que le début du chemin vers la démocratie, mais pour cette famille de militants de gauche habitués à la menace, c'est une nouvelle époque qui s'ouvre. Inscrit dans une école privée parce qu'il n'y avait plus de place dans l'établissement public, Jaime va timidement se faire des amis grâce à un don pour le dessin, son premier travail rémunéré sera une sorte d'image pieuse. Chez une voisine qui revend des vieux papiers, il découvre un stock de bandes-dessinées américaines qui vont décupler sa passion artistique. Jaime va devenir un ado puis un étudiant qui cherche sa voie et rêve de devenir dessinateur de bande-dessinée. Il survole ses études, découvre les groupes de rock mythiques des années 80, et la vie barcelonnaise qui se libère. Mais aussi les grands noms de la BD moderne et de l'école Métal Hurlant, qui vont le décider à faire de sa passion son métier pour de bon. Ses premières publications dans des revues pour enfants sont une sorte de concession, même s'il voit que sa bande de copains doit elle aussi prendre petit à petit ses responsabilités dans un monde d'adultes.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'un des albums les plus réussis de Jaime Martin est Jamais je n'aurai vingt ans, qui raconte la vie de ses grands-parents sous le franquisme. On les retrouve brièvement dans les toutes premières pages de ce récit, qui n'arrivent pas à croire que la mort du dictateur suffise à mettre fin aux jours sombres. Mais très vite, c'est l'autobiographie qui prend le dessus, et on va suivre le dessinateur-auteur à travers toutes les étapes de sa carrière. Ses premières émotions artistiques, les influences multiples en provenance de France ou des Etats-Unis, et une rencontre amoureuse qui va changer sa vie. Dans ce parcours, il nous raconte comment ses amis et sa famille évoluent autour de lui, et il décrit de plusieurs manières des espoirs insouciants et des illusions perdues. Sur plus de cent pages très lisibles, il se livre sans pudeur mais sans exhibitionnisme, et regarde son parcours sans chercher à en faire un exemple ni exprimer de regrets. Son évocation du succès de certains de ses albums est très humble, il raconte aussi très bien comment cela ne fait pas de lui un artiste riche. Cette délicatesse du propos se retrouve dans un dessin sans esbrouffe mais très fluide et maitrisé, un style assez unique d'ailleurs qui semble avoir digéré l'apport de ses ainés et trouvé son vocabulaire. On appréciera d'autant plus cet album qu'on aura aimé le travail de Martin jusqu'ici mais ce n'est pas un must. Les lecteurs plus murs retrouveront probablement leurs propres émotions dans celles de Jaime Martin devant les premières planches publiées de Moebius ou d'autres grands noms de l'époque.