L'histoire :
La cinquantaine grisonnante, l’écrivain Aloys Clark est en bout de piste. Il a bien connu quelques succès littéraires, notamment il y a 20 ans, dont on lui parle de manière récurrente lors des soirées mondaines… Aujourd’hui, son inspiration s’est tarie. Il écume les bibliothèques de France et de Navarre, servant à chaque fois devant son auditoire la même salade autour du métier d’écrivain. Cette fois, à Toulouse, l’assaisonnement lui semble terriblement indigeste. Il pète littéralement une durite. Il déballe son aigreur et la vanité de sa profession, avant d’aller vider quelques verres au premier troquet venu. Une étudiante déçue, qui attendait beaucoup de cette rencontre, lui secoue les puces et s’abandonne finalement à lui dans une chambre d’hôtel. Plus tard, pour remettre de l’ordre dans sa vie, Aloys commence par trier sa bibliothèque. Il tombe sur un bouquin inconnu, le coucou, signé d’un dénommé Jacques Dorian. Il se met à le parcourir, à la lire et lui trouve une fraîcheur enthousiasmante. Pour se changer les idées, il décide d’emprunter le même parcours, à la recherche de la même muse. Il prend le même train et improvise en se faisant passer, avec un culot inédit, pour l’allergologue qu’attendait un groupe au point rencontre de la gare d’arrivée… Puis, il finit par se poser, quelques temps plus tard, dans un coin perdu du littoral landais, appelé L’Amélie. Il y tombe sous le charme de Marianne, veuve et maman d’un petit garçon qui a besoin de dictées…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Riche idée là, qu’ont eue les éditions Dupuis, que de rééditer les titres majeurs publiés sous la bannière Aire libre pour fêter dignement les 20 ans de la collection. Le one-shot Quelques mois à L’Amélie tient une place de choix dans ce florilège d’œuvres incontournables. L’aventure humaine que le personnage d’Aloys partage avec son moi écrivain s’avère tout à la fois une brillante introspection, un vibrant témoignage sur les limites de la profession et sur la crise de la cinquantaine. Le récit adopte un rythme lent, ponctué de réflexions en voies off, entremêlé entre plusieurs époques. Au présent, Jean-Claude Denis alterne les séquences passées, les souvenirs en flashbacks, des bouts de trames tirés de l’imagination du héros, parfois sans précisions… et néanmoins son récit, sa démonstration demeurent d’une grande limpidité. Aux apparences d’autobiographie se mêle également une brillante mise en abyme finale. Le coucou, volatile qui profite du nid des autres, trouve d’ailleurs des échos symboliques à de nombreux degrés. En outre, son dessin sobre et élégant, aux atours de ligne claire, s’harmonise en tous points avec le ton du récit. Denis passe de l’humour (l’identité d’allergologue usurpée) à la tragédie (le mal-être de la muse tarie) ou à la romance (Marianne, insaisissable) avec sensibilité et une incroyable aisance. C’est tantôt drôle, tantôt grave, tantôt émouvant… Une maitrise narrative vertigineuse qui impose Jean-Claude Denis comme un grand auteur de bande dessinée.