L'histoire :
Les Merveilles de l'Univers décrivent des mondes improbables aux décors rétro où évoluent des créatures aux noms étranges comme le Normand Spinrad, ou des personnages décalés sortis tout droit de l'imagination des dessinateurs de Métal Hurlant. Le dessinateur espion vient de débarquer dans le magazine qui va révolutionner la bande dessinée de science fiction, et publie sans hésiter des illustrations décalées de ce jeune fan dessinateur surdoué. Quelques personnages récurrents comme Robbie Tiompkins vivent des histoires courtes et condensées qui traversent des univers bariolés à bord de vaisseaux spatiaux déglingués. L'émancipation graphique de l'auteur viendra avec Captain Futur, une aventure spatiale un peu foutraque, le premier album complet et la première esquisse d'un style réellement personnel. Il faudra encore un scénario de Rodolphe avec la brigade de Dépistage Hygiène débauchée par la Fondation pour une nouvelle colonisation pour que l'épure du trait s'affirme un peu plus. Et finalement Sam Bronx et les robots, récit ultra synthétique où les effets de style sont assumés comme une fin en soi. Le dessinateur espion est devenu Serge Clerc, illustrateur culte de la nouvelle ligne claire, et c'est ce parcours de jeunesse que l'auteur lui-même nous invite à parcourir. Avec modestie et beaucoup d'anecdotes, un retour guidé dans les premières années d'une carrière atypique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce très bel album au papier soigné est un cadeau idéal pour les nostalgiques du Métal Hurlant des débuts. Un magazine ultra novateur et joyeusement anarchique qui détricotait tous les codes de la bande dessinée. Serge Clerc y occupa une place à part en débarquant tout jeune, et à sa grande surprise, dans les pages du mensuel culte. Aux côtés des grands auteurs SF de la décennie 70, le très jeune dessinateur se distinguait par un trait incroyablement mur mais ouvertement influencé par Moebius, Tardi et les grands illustrateurs américains de l'époque. Dès ses premières planches, Clerc montre un recul étonnant et un second degré constant dans ses visions décalées de l'univers de ses parrains. Cette intégrale regorge de dessins soigneusement reproduits, de scans des originaux que l'auteur a lui-même exhumés de ses archives. Le travail est remis dans son contexte par Serge Clerc lui-même, et montre l'évolution graphique étonnante d'un artiste devenu une icône de la ligne claire modernisée. Le trait simplifié à l’extrême qui représente aujourd'hui sa patte n'arrive que tardivement dans ce beau recueil de plus de 400 pages, Clerc ayant démarré sa carrière avec des brillantes mises en scène réalistes et aériennes. Comme l'époque le voulait, et à l'image de nombreux créateurs de Métal Hurlant, Clerc s'intéresse bien plus à la mise en images qu'à la qualité scénaristique des histoires qu'il illustre. Les clins d’œil aux univers du rock des heures de gloire de Rock & Folk sont nombreux, notamment sur les scénarios de Philippe Manoeuvre. Avec le recul d'un art qui a dépassé le besoin de se justifier, ce second degré paraît évidemment un peu décalé aujourd'hui. Mais la redécouverte dans sa continuité de ce travail révélateur d'une époque d'émancipation est un vrai régal. Cette intégrale des planche SF de Clerc est par ailleurs un objet soigné au tirage limité à 2500 exemplaires, incluant un tiré à part signé. Un cadeau idéal on vous dit... si vous ne loupez pas le coche.