L'histoire :
Samoa, île d’Upolu, 16 novembre 1894… Robert Louis Stevenson vient d’avoir 44 ans. Il écrit, confortablement installé sur une des terrasses de sa grande demeure. Brusquement, il ressent un coup dans la poitrine. Il entend également ce triple « tak » si familier. Un bruit qui annonce la venue d’un pirate lourdement armé. Un flibustier unijambiste qui n’est jamais loin, prêt à lui porter le dernier coup. Pas encore aujourd’hui, cependant. Stevenson la connait bien, cette canaille. Il y a 40 ans, elle le guettait déjà. A l'époque, le jeune Robert Louis tousse et l’humidité écossaise n’arrange rien. Alité, le garçon s’évade en lisant. L’imagination fait le reste. Le « tak-tak-tak » de l’horloge est le martèlement sur le pavé humide de la canne d’un bandit. Et son lit tangue, à peine a-t-il fermés les yeux, au rythme des canonnades d’un bateau pirate. Son imagination déborde d’ailleurs tant et si bien qu’il la couche bientôt rapidement sur le papier pour inventer des suites aux Trois Mousquetaires ou à Ivanohé. Pourtant, pour faire plaisir à son père qui rêve qu’il reprenne le flambeau familial, il entreprend des études d’ingénieur. Il continue cependant d’écrire et aime, un verre à la main, conter des histoires ou réciter ses poèmes à qui veut les entendre. Chaque élément de sa vie quotidienne, chaque fait divers met aussitôt en mouvement son imagination et sa réflexion. C’est le cas, par exemple, de ce drôle de personnage ayant vécu à Edimbourg au siècle dernier : William Brodie, artisan-ébéniste et citoyen respectable le jour, cambrioleur la nuit…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Claquement de drapeau noir, potion dangereuse à ingurgiter après minuit, enfants en danger… Robert Louis Stevenson aura alimenté, grâce à une bibliographie d’aventures savoureuses, l’imaginaire de toute une tripotée de gamins. Sans doute aussi celui de René Follet et de Rodolphe, dont la carrière créative semble avoir fait ses premières armes sous l’inspiration du célèbre romancier. L’un, en effet, illustrait à 14 ans L’île au trésor sur des vignettes publicitaires pour une marque de chocolat. L’autre lui consacrait son premier livre, Tusitala ou la Vie aventureuse de Robert-Louis Stevenson. En réunissant les 3 artistes pour une biographie libre et magnifiquement peinte de Robert Louis Stevenson, le 9éme art nous fait ici un joli cadeau. Rodolphe emprunte pourtant les chemins de la biographie convenue, mais il l’alimente parfaitement pour rendre ce récit aussi vivant qu’attachant. Il focalise régulièrement, par exemple, et sans justement s’y attarder longtemps, sur les éléments d’inspirations du romancier (réel ou fictif ?) : le martèlement du tic-tac d’une horloge ; une auberge sur une falaise avec des ajoncs battus par les vents ; l’étrange dualité d’un ébéniste écossais ; un ami unijambiste ; ou encore ses nombreux voyages. L’ensemble reste toujours suffisamment explicite pour qu’on y relie directement un des romans. Il réussit ainsi à nous faire toucher du doigt le processus créatif tout en le superposant aux circonvolutions « normales » de la vie de l’auteur : famille, études, amours, rencontres, succès, voyages ou installation aux Samoa, jalonnent ainsi cette courte vie. Car enfin, le scénario parvient habilement à mettre en scène un des éléments constitutifs de la vie de Stevenson : la maladie. Des problèmes pulmonaires qui l’emporteront à 44 ans et que Rodolphe imagine prendre les traits d’un pirate (intérieur) attendant son heure pour frapper définitivement le romancier. René Follet parvient d’ailleurs à s’approprier cet aspect du récit, en utilisant toute la force de sa peinture pour guider notre émotion. Et il faut reconnaître que de ce côté, le dessinateur ne nous épargne pas. Son style en couleurs directes emporte de bout en bout, qui entrelace dynamisme, efficacité, lisibilité ou fureur, en de multiples et magnifiques tableaux (avec des scènes maritimes magistrales). Surtout, il s’approprie parfaitement la mise en scène pour un véritable plaisir de lecture.