L'histoire :
En février 1939, Abel Meeropol, professeur juif et militant, écrit un poème en réponse à la publication de la photo choquante du lynchage de Thomas Shipp et Abram Smith à Marion, Indiana. Accusés d'agression et de viol, les deux hommes sont exécutés par la foule avant même qu'un procès ne soit engagé. Abel ressent le besoin de donner une voix à cette tragédie et choisit Billie Holiday, l'une des grandes figures du jazz, pour interpréter son poème. Pourtant, la chanteuse, métisse du Nord, hésite. Elle doute de sa légitimité à incarner la douleur du Sud. Tout change lorsqu'une expérience personnelle de ségrégation bouleverse sa perception. Après un concert, elle se voit interdire l'accès à l'ascenseur réservé aux Blancs dans son hôtel, elle se retrouve obligée de prendre le monte-charge réservé aux Noirs. Cette humiliation l'amène à prendre conscience de son statut : elle est célèbre, mais pas respectée. Décidée à dénoncer le racisme, elle chante Strange Fruit, sans imaginer que cette chanson va profondément changer sa vie et sa carrière.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette bande dessinée écrite par Vincent Hazard et dessinée par A.DAN est une adaptation de la fiction radio diffusée en 2020 dans l’émission Autant en emporte l’histoire sur France Inter. L’auteur y propose une interprétation de l’histoire de la chanson Strange Fruit, écrite par Abel Meeropol et interprétée par Billie Holiday. Cette chanson, symbole de la lutte contre le racisme et la ségrégation, dénonce le lynchage des Afro-Américains dans le Sud des États-Unis dans les années 40. Le scénario s'articule autour d’un parallèle entre les parcours de la chanteuse et du compositeur. Il met en lumière les hauts et les bas de leurs carrières, marquées par les tensions sociales et les répercussions souvent négatives de Strange Fruit sur leurs vies professionnelles. La chanson, véritable dénonciation, eut un impact énorme sur l'Amérique ségrégationniste de l’époque. Diffusée avec difficulté dans le Sud, elle rencontra cependant un succès dans le Nord, malgré les craintes de la censure. Avec ses 116 planches et un style unique qui plonge le lecteur dans le New York des années 40, le travail graphique d'A.DAN impressionne. Son trait fin et expressif rend parfaitement l’intensité dramatique de l’époque, tandis que le découpage plutôt classique et la colorisation sobre créent une atmosphère envoûtante et poignante. Mention spéciale à la couverture qui représente Abel Meeropol marchant dans la rue avec l’ombre « lumineuse » projetée de Billie Holiday sur le mur, offrant une contradiction apparente poétique. Enfin, pour mieux comprendre la portée de cette chanson, il faut l’écouter. L'introduction, avec ses accords sombres, prépare l'âme à une complainte silencieuse, qui résonne encore aujourd'hui. Strange Fruit résonne comme un cri graphique contre l'injustice.
