L'histoire :
Dans la pénombre d’une chambre d’hôtel, Chantal Fernandes gît inanimée, blessée à la tête par suite d’un triste accident. Un dénouement inattendu au regard des promesses entrevues quatre jours auparavant. Le journal titrait en gros sur les trois lauréats d’un prix prestigieux remis par une puissante fondation. Son directeur encourageait la journaliste à interviewer les artistes aux personnalités et parcours si différents. L’Italien Adriano Lazzari, pianiste virtuose de renommée mondiale, n’est pas un inconnu. Il partage avec Chantal un souvenir amoureux vécu dans la capitale française, il y a une éternité… Un souvenir douloureux par la faute de l’ombre du géant Pierantonio Lazzari père. Maurice Malikian est, lui, LE peintre des cercles psychanalytiques, un artiste bougon (quasi-misanthrope), sans visage, sans identité, Arménien aux mille facettes et secrets. Enfin, Diego Nogales, en dépit d’une soixantaine prochaine, paraît n’avoir jamais été aussi séduisant. Un homme mûr élégant, très attaché naguère à l’évolution politique (révolutionnaire) de sa patrie, le Mexique. Devenu plus égoïste et grand bourgeois, à la suite d’un fait divers tragique, il s’est interdit nombre de mots et fuit depuis lors ses responsabilités…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici un album difficile pour une lecture non accessible à tous. Paris, capitale des arts, retrouve un temps son statut de ville lumière. Le temps d’un album, de la rencontre de trois artistes résumant en substance le domaine artistique : un peintre (art plastique), un écrivain (littérature) et un pianiste (musique). Afin d’évoquer le parcours de vie de trois célébrités sensées avoir tout réussi, les maîtres argentins Carlos Sampayo (Alack Sinner, Le bar à Joe) et Oscar Zarate (Petits meurtres et Une petite mort avec Alan Moore) n’ont pas choisi la facilité. Récompensés pour leur œuvre contributive à l’épanouissement de l’Homme, le trio n’est point pour autant heureux. Loin de s’être pleinement réalisés, ils se masquent chacun une part de leur personnalité. Une journaliste elle-même en panne d’inspiration les bouscule et les aide à s’accepter en réalité. Le talent ne suffit pas ; l’expression artistique sensée révéler la profondeur d’âme ne va pas de soi. Réussir, c’est être libre et donc rechercher qui l’on est pour savoir où l’on va. Un propos pertinent et ambitieux. Cependant, la narration construite sur des flashbacks répétés, un continuel va-et-vient entre les différents protagonistes, n’est pas toujours aisée à suivre. La voix « off » et les innombrables bulles réfléchies virent à l’introspection, tourmentant souvent le lecteur au lieu de le passionner. Bref, un traitement intellectuel que beaucoup jugeront ennuyeux, au mieux maladroit. Graphiquement, le dessin affiche une réelle maturité. Consubstantielles, les couleurs peintes lui confèrent une élégance certaine, le distinguant de la production tout-venant. Au final, hors des sentiers battus, le succès grand public n’est pas gagné. Reste un récit adulte en relation à l’autre, en quête d’identité…