L'histoire :
Jeanne est venue au monde un soir enneigé d’hiver, au tournant du siècle dernier. Ses parents, Baptiste et Constance, habitent une bicoque derrière les fortifications de la ville de Paris. Cette banlieue immédiate de la capitale est surnommée la « Zone » en référence à sa vocation militaire originelle. La Zone n’a pas bonne réputation. Un repère d’apaches, vagabonds, bohémiens, voleurs et autres mauvais gens, raconte-t-on. D’ailleurs, le soir de sa naissance, la sage femme refuse d’abord de s’y rendre avant de s’y résoudre – devant l’insistance répétée d’un voisin – pour qu’à son arrivée Jeanne soit déjà là ! Au fil des ans, Jeanne a bien sûr grandi. Elle mène la vie simple des jeunes filles de sa condition. Elle y met cependant une application qui est toute sienne. Se tenir toujours bien droite, bien habillée, polie. Les jours où elle n’a pas école, Jeanne aime les passer avec son ami Luigi, un italien à la retraite marqué au visage à la suite d’un accident à l’usine. Luigi est aimé des enfants de la Zone. C’est un artiste. Il sait leur construire de petits soldats à partir de boîtes de sardines, tailler des lits de poupées dans des caisses à citron, etc. Jeanne aime aussi passer chez Rosalie, la blanchisseuse. Elle en revient chaque fois le nez contenté d’odeurs merveilleuses et la bouche pleine d’un bonbon de sucre cuit ! Jeanne aime enfin apprendre. Elle aime l’école, ses livres qui emplissent la bibliothèque. L’année du certificat d’études, son oncle Edouard lui a offert un dictionnaire d’une valeur de 45 francs ! Jeanne en a été toute époustouflée. Mais Jeanne parviendra-t-telle à décrocher son certificat d’étude ?...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Eliminons d’entrée un (possible) malentendu. Jeanne de la Zone n’est pas une bande dessinée. Nous sommes ici aux frontières de l’univers du 9ème art mais, parce qu’Etienne Davodeau (lauréat du Grand Prix à Angoulême pour les Mauvaises gens) y signe les illustrations, c’est assez pour que l’œuvre figure au catalogue de votre site d’actualité BD préféré. La collection L’Histoire sensible des éditions de l’Atelier s’est fixée pour but « de donner vie au quotidien des générations passées », des petites gens d’autrefois. Suivant un format bien arrêté, l’album se décline en trois temps : une intrigue racontant le cheminement de Jeanne vers l’âge adulte, un petit lexique dynamique et problématisé et, enfin, un dialogue mettant en scène les descendants de l’héroïne. Si l’ensemble présente un intérêt certain, et notamment certaines des rubriques éclairantes du lexique, la première partie se taille pour sûr la part du lion. Frédérique Jacquet, archiviste de formation et conservateur du patrimoine, livre un récit (très) bien écrit, soucieuse de distraire comme d’instruire. L’exactitude historique se fond dans les détails du quotidien. Ce passé « zonard » de la banlieue parisienne renaît sous sa plume et les pas de Jeanne. Page après page, l’image représentée gagne en clarté aidée en cela des illustrations d’Etienne Davodeau. L’auteur, sensible aux réalités sociales, est ici comme chez lui. Le plaisir est réel. Aujourd’hui augmenté d’un livret pédagogique disponible gratuitement sur Internet, l’album s’adresse à tous les curieux, passionnés, amateurs d’Histoire, nostalgiques, jeunes et moins, habitants qui connaissent ou pas les lieux des lieux du périphérique parisien. Epuisé depuis quelques temps, cette lecture rééditée – portée par la recommandation qu’en a faite le ministère dans le cadre des ABCD de l’égalité – vous en apprendra beaucoup tout en vous distrayant.