L'histoire :
Le commissaire Albert-Eugène Henry se souvient. Au lendemain de son admission à la retraite, en 1926, en tant que commissaire hors classe à Metz (Vosges), il se souvient de l’affaire qui a failli lui coûter sa carrière. Une affaire sordide, écoeurante. A la fin de l’été 1910, les ouvriers charbonniers (qui déchargent et mettent en sac le charbon arrivant par bateau) du port du Havre sont en grève. La principale activité de la police est alors de veiller à ce que rien ne dégénère. Le commissaire Henry raconte le port, les docks, il raconte son passé de fils de chaudronnier, sa sympathie pour les ouvriers, ainsi que son métier, qui requiert qu’il fasse appel en permanence à des informateurs qui lui permettent de suivre l’activité des syndicats. Jules Durand, lui, est représentant syndical, l’un des meneurs de la grève qui oppose les ouvriers à la puissante Compagnie Générale Transatlantique. A la fin de l’été, un contremaître non gréviste, Louis Dongé, meurt dans une rixe d’ivrognes à la sortie d’un bar. Mais l’affaire s’emballe et Jules Durand est accusé d’avoir appelé au meurtre de Dongé. Le commissaire Henry, convaincu de l’innocence de Durand, contre-enquête. Mais le syndicaliste est vite arrêté, et vite condamné…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’affaire Jules Durand est un grand scandale d’Etat qui a été comparé à l’affaire Dreyfus – Dreyfus étant condamné pour être juif, Durand pour être syndicaliste. Les deux tombés à cause d’une machination, les deux réhabilités. La plume de Roger Martin donne une belle profondeur à cette affaire. Chronique politique et judiciaire, il en fait aussi un roman noir attaché aux pas et à l’honnêteté d’un flic, d’un serviteur de l’Etat qui ne se satisfait pas des arrangements du pouvoir. Il livre à la fois un jugement sans concession sur la pourriture des puissants, mais délivre en même temps un message positif sur l’existence d’hommes comme le commissaire Henry, au cœur du système et qui l’empêche de sombrer dans la compromission généralisée. Roman social aux accents généraux, c’est aussi un roman noir et une enquête policière bien menée. C’est aussi bien illustré par l’excellent Mako, partenaire de Didier Daeninckx pour de nombreux albums et notamment Dernière station avant l’autoroute ou La Chute d’un ange. Ici, Mako délivre en noir et blanc, encre de chine et aquarelles, des images figées à l’ancienne, comme des paysages ou des portraits de tribunal. L’échange entre les images et le texte donne une gravité, une solennité au tout, qui nous montre le passé tel qu’il est, et nous met en garde pour l’avenir, tel qu’il risque de continuer à être.