L'histoire :
Afin de pouvoir gérer leur déménagement sans avoir leur fille dans les pattes, les parents de Nora la conduisent chez leur oncle Lucien, cultivateur. Ce dernier vit dans une ferme située dans un coin reculé de campagne, où pas grand-monde n’habite. Il accepte d’autant plus facilement de s’occuper de la fillette tout au long de ses journées de travail, qu’il est veuf depuis peu : ça lui fera de la compagnie ! Sur la banquette arrière de la voiture, Nora boude. Elle ne connait pas trop ce tonton et n’a pas du tout envie de se retrouver isolée dans une ferme. Qu’importe, ses parents ne lui laissent pas le choix… Ils repartent sans Nora, qui continue de bouder. Son oncle lui présente Minette, la chatte qui a des bébés dans son ventre. Nora pense alors pouvoir jouer avec elle, mais la chatte la griffe. Nora part se réfugier au fond du jardin, sous le gigantesque chêne. Elle y trouve un passage dans le tronc, qui s’avère creux, ce qui lui fait une cachette secrète. Elle grimpe ensuite sur les premières branches, afin de mieux voir les environs. Elle observe alors la voisine, une petite mamie qui passe ses journées assise dans sa cour à attendre que le temps passe. Est-ce que c’est bien normal que cette dame soit toujours toute seule ? Elle demande alors des explications à son oncle. Celui-ci lui répond que c’est ainsi : madame Jeanne est une vieille fille, c’est-à-dire une fille qui n’a jamais trouvé d’amoureux. C’est donc possible de ne jamais trouver d’amoureux ? Mais c’est horrible…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour sa toute première bande dessinée, Léa Mazé frappe fort dans le registre jeunesse. Elle nous présente tout d’abord à une fillette (de 7-8 ans environ, disons…), boudeuse mais attachante, qui se retrouve confiée à son oncle, fermier, le temps de quelques vacances imposées. Or, ce n’est pas tant le travail de la ferme que Nora va découvrir au contact de cet oncle, que toutes les questions basiques et néanmoins métaphysiques que se posent les enfants de cet âge et auxquelles les parents ont bien du mal à répondre. Entre autre : où est-ce qu’on est avant la naissance ? Est-il possible de ne jamais naître et de rester coincé(e) dans le ventre de sa maman ? Pourquoi la guerre ça existe ? Et puis où est-ce qu’on va quand on meurt ? Au gré de ses questions et des réponses logiques qu’elle déduit des explications de son oncle – de bonne volonté ! – Nora s’invente de gentils fantômes, comme des amis imaginaires que les enfants trop seuls se créent. En bref, à l’aide de son système D et de sa bonne volonté, la curieuse et bienveillante Nora tente de palier les trous aberrants de l’existence. La trame narrative est pleine de réflexions essentielles et de poésie, tout autant que le dessin stylisé en bichromie de teintes ocres – ce qui accorde le petit aspect suranné qui colle au monde rural – et bleutées (pour les fantômes et les manifestations ésotériques qu’elle s’imagine). De fait, Nora tient à la fois au roman graphique et au conte initiatique. Pour un premier album, c’est un joli coup !