L'histoire :
Par un beau matin ensoleillé, un papillon blanc traverse un coin de campagne champêtre et bucolique. Il finit par venir se poser sur la tête d’une grand-mère assise sur un banc, à côté de sa petite-fille, devant une chaumière isolée. Aussitôt, la grand-mère se lève et marche jusqu’à sa maison. Le papillon et sa petite-fille la suivent, jusqu’en haut des escaliers, jusqu’à la salle de bain. En se regardant dans la glace, la grand-mère constate qu’il est grand temps de procéder à un shampooing. La petite-fille lui donne un coup de main. Elle déploie une serviette autour de son cou, attrape le produit qui shampouine à sec et frotte, frotte, frotte… A un moment, le papillon se retrouve même enfermé dans une bulle. Puis la fillette guillerette joue du sèche-cheveux tout autour de sa grand-mère. Bizarrement, dès que cette phase est terminée, le visage de la grand-mère a changé de teint : elle est devenue blafarde. Les deux générations s’interrogent du regard sur ce phénomène, sans se rendre compte que le papillon, lui, s’est légèrement coloré. Elles vaquent rapidement à autre chose, en allant faire un tour au village avec leurs vélos, le papillon toujours dans leur sillage…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce tour de « Passe-Passe » édité par les petites éditions de la Gouttière est double. D’une part, ce terme évoque la transmutation d’un état à un autre, de la vie à la mort (la métempsychose, précisément, pour migration de l'âme). Car c’est bien de cela qu’il s’agit : ici, à mesure que la grand-mère blêmit puis s’évapore, un papillon gagne des couleurs chatoyantes et du peps. La scénariste Delphine Cuveele nous convoque ainsi carrément à une allégorie poétique et joviale du décès ( ! ). Car – deuxième tour de passe-passe – cela se fait sans drame, sans angoisse, sans larme, dans une continuité naturelle somme toute évidente. La petite fille qui ne perd jamais sa bonne humeur est là pour en témoigner : elle aime assurément sa grand-mère, mais à aucun moment elle ne montre la sensation de perdre un être cher. D’ailleurs, le moment clé de la disparition se déroule tout en dansant. Nous sommes tous papillon et nous retournerons papillon, comme dirait l’autre (après en avoir fumé un gros). La morale est énorme : la « disparition », terme moins glauque que la « mort », fait partie des choses de la vie et il faut donc l’accepter comme une évidence. Le style graphique simple et réjoui de Dawid se montre diablement à la hauteur du challenge, complété par une colorisation dans des teintes automnales, de circonstance…