L'histoire :
Dans la vie, les êtres humains vont de boîte en boîte. Leurs affaires voyagent de carton en carton. Ils alternent entre le bureau et l’appartement et vont d’ascenseur en ascenseur. En route vers diverses destinations, les êtres humains cheminent de wagon en wagon, suivant leur propre trajectoire. Mais une fois au bout de la course, ils se retrouvent allongés dans un cercueil – leur dernière boîte – prêts à disparaitre. Mlle Li est célibataire. Elle a 26 ans et elle travaille dans un café pour gagner sa vie. Elle embauche tôt le matin et rentre tard le soir, du lundi au vendredi. Le week-end, dans le studio meublé qu’elle loue, elle écoute de la musique et lit. Un jour, elle s’aperçoit que le samedi à 15h, une agréable odeur de cigarette entre chez elle par volutes. Dans ces moments-là, elle monte sur le bord de la fenêtre et s’assoit dans la cage suspendue pour contempler le lointain. Elle ne fume pas, mais l’odeur de la cigarette ne la gêne pas. Bien au contraire, ça la rassure. Un jour, son téléphone sonne. Sa famille lui annonce qu’un malheur est survenu. Il faut qu’elle rentre chez elle. Avant de préparer ses cartons en vue de son départ de l’appartement, elle part présenter sa démission. À son retour, elle découvre un paquet de cigarettes avec écrit : « je suis toujours là »...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Venue tout droit de Taïwan, la jeune artiste 61Chi a travaillé sur une demi-douzaine de livres avant de commencer sa carrière professionnelle avec Room en 2014. Ce roman graphique conceptuel se propose de relier cinq pièces d’un même immeuble au travers des vies de ses occupants. De ce fait, l’autrice développe les tranches de vie de ses personnages en y intégrant un lien entre elles. Au-delà, du côté très bien ficelé du récit, 61Chi s’interroge aussi sur la déshumanisation des êtres au sein d’une même mégapole. À partir de là, c’est la question de la vacuité de l’existence en elle-même qui se déroule en toile de fond. En ce qui concerne la partie graphique, le crayonné / brouillon nerveux de 61Chi est assez déstabilisant, mais il permet de donner plus de force au fond du récit plutôt qu’à sa forme pure et dure. Au final, Room est une œuvre intéressante à la croisée de la bande-dessinée traditionnelle et du manga, qui dévoile des tranches de vie ordinaires reliées entre elles par les appartements d’un seul et même immeuble. Tant de vies différentes, mais si proches, cloisonnées entre elles par des murs aux parois fines qui définissent pourtant les frontières de nos propres existences...
