L'histoire :
Acte 1. Instinct indomptable. Huit cadavres d’hommes sont retrouvés dans un entrepôt désaffecté. La police est appelée sur les lieux. L’inspecteur Raoul Herry est en charge de l’enquête. Les victimes ont toutes été mutilées, lacérées de multiples coups, avant d’être achevées à la gorge. Les états de décompositions des corps sont divers : de deux ans à huit mois pour le plus récent. Hormis quelques longs cheveux noirs, l’assassin – le tueur en série – n’a rien laissé derrière lui. Une piste conduit cependant l’enquête au propriétaire d’une bijouterie en centre ville. La seule évocation du nom de son employée, la jeune Sandra Ligorne, suffit à plonger l’officier Herry dans un mutisme interdit…
Acte 2. Instinct enfoui. Renvoyé du lycée parce qu’il y avait introduit une arme – un couteau – le jeune Daffret rentre chez lui maudissant sa journée. Responsable d’une mère qui passe ses journées devant la télévision depuis la mort accidentelle de son père, l’adolescent en est réduit à se prostituer afin de survivre. Ce soir, c’est un habitué qui le contacte. L’homme lui présente un ami. Chose inhabituelle et déplaisante : on ne sait jamais sur qui on tombe. Arrivés chez l’inconnu, ils gagnent la chambre. Le môme se déshabille, pressé d’en finir. Quand son « client » fait irruption cagoulé, caméra sous le bras…
Acte 3. Instinct nouveau. Un homme marche au sein d’un long tunnel éclairé d’une lumière verdâtre. Le conduit débouche sur le quai d’une station de métro. De nombreuses autres personnes paraissent attendre le prochain train. De jeunes filles, mais aussi un individu impressionnant vêtu tel un boxeur. Un peu plus loin, un enfant en maillot de bain court sur la plateforme. Drôle de population. Alors qu’il allume une cigarette, notre homme constate une inscription écrite en lettres de sang au creux de sa paume : « Ne prends pas ce train ». L’avertissement sonne comme une menace…
Acte final. Trois destins. Il était une fois un accident de voiture, tragique…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Une révélation ». Le mot même de l’éditeur n’est pas trop fort. Julien Parra étale dès sa première création – qu’il assume de bout en bout – un talent insolent ! Nourri à l’école du manga comme du franco-belge, le nouveau venu dans l’univers bande dessinée digère ces influences et références, de manière zélée, pour accoucher d’un style déjà maîtrisé, quoique encore jeune. Le trait – parfois un brun « réglé » sur les décors du premier acte – semble, planche après planche, gagner en aisance. Propre et impeccable sur le choix des attitudes (des personnages) comme des cadrages, Parra réussit une à une chacune des cases qui composent cet impressionnant one-shot de près de 120 pages ! Si la couleur occulte parfois un léger manque de détail (dans l’habillage), son sens inné de la mise en scène prend le pas pour ne plus le lâcher son lecteur. De fait, l’intrigue se bonifie chemin faisant. Un acte 1 noir et violent, mais un peu sage ; un second entièrement « off » qui vous remue ; un troisième muet, éloquent de mystère et d’à propos. Quant à l’épilogue (appelé acte final), il (re-)lie l’ensemble et ficelle la dramatique d’un puzzle complexe mais appliqué. La chute finale – comme ses devancières « actées » – vous demandera sans soute de vous replonger plus avant pour en saisir l’exacte mécanique, pour le plaisir. Copieux, appliqué, noir et prenant. Simplement brillant, pour un premier essai ! Un coup de cœur.