L'histoire :
Irlande, années 70. L’histoire politique et religieuse de l’île s’écrit en lettres de sang. Il est fréquent que les manifestations tournent au drame, policiers et manifestants n’hésitant pas à recourir à la force. Mais cette fois, les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles. Nick Jones, le leader d’un des innombrables commandos composant l’Armée Républicaine Irlandaise (IRA) a été atteint en pleine tête. La blessure est sérieuse : sa vie est menacée (…). Angus, compagnon fraîchement recruté, flaire l’embrouille. Graham, le frère cadet de Nick, est désormais – en attendant un possible rétablissement – à la tête du groupe. Il va vouloir le venger. Le sang va couler démesurément (…). Angus a une histoire difficile. A quatre ans, sa petite sœur est morte déchiquetée par des barbelés. Depuis, Angus a perdu la foi. La foi protestante de ses parents comme celle catholique de ses voisins. De fait, Angus est un flic infiltré et son objectif premier est d’éviter un bain de sang…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les éditions Emmanuel Proust ont pêché gros. Plutôt coutumier des auteurs maisons ou des « jeunes pousses » en devenir, l'éditeur a cette fois débauché les services d’Eric Corbeyran en personne. Le père des Stryges, expert en récits de genre, purs et durs, mâtinés de fantastique, était probablement attendu sur ce qu’il a prouvé savoir faire et il le réédite donc bien. Un diptyque – pour des raisons commerciales et/ou de temps – ultra réaliste, conforté par l’ambiance de siège de l’Irlande en guerre des années 70, avec cette pointe d’étrange qui fait la saveur des séries signées Corbeyran. La définition même du fantastique : quand la réalité est « dérangée » par un élément venu d’ailleurs... Aux crayons, Jef – connu pour sa trilogie chez Albin Michel L’Epée noire du Pentaskel et la reprise récente de Garous chez Soleil, deux titres plutôt « fantasy » – livre une partition soignée, documentée, jouant pas mal avec les ombres de ses personnages. Les couleurs faites par Nicolas Bournay renforcent cette tendance à l’obscur. Si l’objectif était de frapper fort, il est atteint : les planches sont vraies et dures, très dures ! Le lecteur est ainsi rapidement immergé dans cette réalité, d’autant que le lettrage diminué des bulles force l’attention. La narration « off » offerte par notre héros – un « vrai » encore, en dépit d’une part d’ombre appréciable – ajoute à la recette. Et pourtant au final, la mayonnaise ne monte pas autant qu’espéré. On reste sur sa faim. La distance introduite par un récit entièrement raconté (passé) induit, paradoxalement, qu’il ne semble jamais être vécu. L’action manque, la poudre devrait parler. Quelque chose habite ces planches, attendons donc…