L'histoire :
C'est l'été et comme chaque jour, Faustine laisse un message vocal à sa maman par le biais d'un magnétophone. Elle s'inquiète de l'attitude de son père. Il semble totalement perturbé et annonce qu'il ne croit pas à la déréalisation des choses et des êtres. Cette pensée suffit à lui faire perdre la tête. Il annonce à Faustine qu'il va encore s'absenter pendant quelques jours. Faustine y est habituée, mais la séparation lui fait toujours aussi mal. Faustine se balade et croise Samir, le copain le plus cool de la terre. Elle aimerait bien être aussi détachée que lui sur les événements de la vie. Il accompagne Faustine chez elle et lui propose de fumer. Ils sont dans le garage, un endroit aménagé où le père de Faustine a fait de grands décors de théâtre. Un tableau attire l'attention de Samir : Faustine lui explique que son père l’a réalisé alors qu'elle lui lisait un poème de Charles Baudelaire : le Léthé...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a parfois des évènements que l’on voudrait oublier à tout jamais. La perte d’un être cher peut détruire tout un monde et les personnes qui l’entourent. Cet album traite de ce sujet difficile d’une façon originale et poignante. Quasi psychanalytique, la bande dessinée plonge dans les méandres de l’esprit humain et d’une âme qui souffre à l’extrême. Le sens se détruit comme la conscience et la dépersonnalisation des personnages entraîne un vide narratif. Le rythme est lent et complexe, plein de silence et de non-dits. Dès le début, la narration est fragmentée et pleine d’éléments étranges : le père porte un masque d’oiseau, mange des pilules phosphorescentes ou est absent tout en étant présent. La vie dans l’immeuble est pleine de détails absurdes et on a l’impression d’observer un puzzle dont les pièces sont éparpillées un peu partout. Pourtant, le sens se rétablit petit à petit et les pièces s’assemblent une à une pour dévoiler une réalité bien triste et bien cruelle. Rarement un album aura aussi bien montré les affres de la douleur et de la perte de soi. L’apparent désordre de l’histoire cadre parfaitement à la perte de conscience. Les détails graphiques sont riches d’enseignement et de symbole : l’oiseau pour le besoin de fuir sa mémoire, les grottes pour le besoin de se replier sur soi… Parfois, les personnages ont les yeux vides comme s’ils avaient quitté toute forme de vie. Le noir et blanc plein de douceur est aussi terriblement angoissant et montre bien la puissance de la douleur et de la dépression. Comme une litanie lancinante, un poème de Baudelaire traverse l’album et sert de fil conducteur : Le Léthé qui décrit la souffrance devant la perte de l’être aimé. Léthé est également un fleuve des enfers dans la mythologie grecque et une divinité qui représente l’Oubli. Cet album, qui réédite les trois volumes dans son intégralité, est une peinture forte de la souffrance et de la perte de repères : la psychanalyse peut aussi se développer en bande dessinée !