L'histoire :
Un homme à tête de lapin, qui se présente sous la seule initiale de « K », chante et s’accompagne au piano dans l’enceinte d’un bar situé sur un ferry-boat. Il débarque au début de l’été dans une petite ville portuaire, charmante, où il a accepté un nouveau travail dans l’informatique. Son appartement est payé par sa nouvelle entreprise, au second étage d’un immeuble paisible, d’où il va télé-travailler. Depuis son balcon, il peut voir la voisine d’en face, qui aime se montrer partiellement nue. Ses premiers jours, il les passe sur son ordinateur à essayer de configurer un réseau informatique récalcitrant, mais aussi à l’extérieur, pour découvrir des quartiers discrets de la ville, mais non dénués de charme. Poussé par sa curiosité, il pénètre notamment dans une ruelle en enjambant la haute grille qui en condamne l’accès. Il y rencontre Kitsuné, une adolescente peu farouche et au comportement suspect, qui promène son chien. Elle n’a que 13 ans, et elle lui réclame une cigarette. Quand il rentre chez lui, il peut observer la voisine d’en face nue, qui fait des crêpes et se fait tripoter par son homme. La nuit suivante, K fait encore des cauchemars – c’est devenu régulier et ça le plonge dans des états de stase bizarres au réveil…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme dans les films de David Lynch, tout est forcément symbolique et psychologique dans ce Horla 2.0, qui évoque forcément une relecture moderne de la nouvelle fantastique de Maupassant. Mais comme dans une majorité des films de David Lynch, il manque tout le corpus explicatif qui permet au lecteur de sortir du flou hermétique, comprendre les intentions de Serge Annequin, tout autant que le sens des évènements auxquels le narrateur est confronté. Pourquoi celui-ci a-t-il une tête de lapin ? Quel est donc cet ordinateur quantique avec des « cordes » élastiques à la place du clavier et des nuages de points reliés sur écran, qui permet de configurer un serveur ? Pourquoi se dit-on « Horla ! » pour se dire « Bonjour ! » ? Les renards boivent-ils du jus d’orange ? Avec sa précédente trilogie, Des fragments de l’oubli, Annequin nous avait certes habitués à voguer en dehors des normes, sans mode d’emploi. Ce one-shot boxe dans la même catégorie (les poids-plume célestes), en étant tout de même mieux dessiné. Evidemment, les démons du passé du héros (son enfance) le hantent, sinon nous ne serions pas tout à fait dans le domaine de la psychiatrie. Mais bien malin, hormis Annequin himself, sera celui qui comprendra le modèle logique de cette introspection psychologiquo-quantique. Car le titre indique vaguement que les troubles nocturnes et les recherches quantiques – intrication et superposition – du héros sont l’équivalent des fantômes du Horla (le 1.0, celui de Maupassant). Dès lors, l’hermétisme ostensible du scénario se fond dans les fondamentaux de la théorie quantique. Comme le dit Kitsuné : « Un physicien quantique, c’est un type aveugle, dans une chambre obscure, cherchant un chat noir qui n’est pas là ». Et bien dans ce bouquin, pour le lecteur, c’est tout pareil ! Mais en 2.0, évidemment. Vous voulez une crêpe ?