L'histoire :
Quand ils étaient enfants, Sarah et son grand frère Thomas ont vécu quelques années à Haïti, où leur père coordonnait des projets agricoles, une mission sur plusieurs années. Par crainte d’un niveau scolaire trop faible, la famille revient un jour à Bruxelles. Sarah a alors déjà trouvé sa vocation : dessiner. Thomas, lui, ne fait quasiment que des maquettes d’avions et de chars de guerre. La visite d’un musée de l’armement s’avère pour lui la meilleure journée de son adolescence. Les années passent, Thomas est adulte, Sarah termine son lycée. Thomas est un jeune homme fermé, neurasthénique, souvent agressif quand on a le malheur de demander des nouvelles. Il veut qu’on lui fiche la paix, qu’on n’attende jamais de lui la moindre obligation sociale. Cette attitude d’enfermement ravage toute la famille. La mère se montre compréhensive, le père pique des colères noires, quant à Sarah… elle est entre les deux : elle a tantôt pitié, et tantôt elle trouve l’attitude de son frère inadmissible. Surtout, cela nuit à ses études. Elle dort très mal la nuit, elle a peur d’ombres monstrueuses, qui la suivent partout. L’insécurité totale. Le plus inquiétant, c’est que dans ce qu’il faut bien appeler une profonde dépression, Thomas conserve une passion très forte pour les armes à feu. Il restaure un fusil et bouillonne à l’idée de l’utiliser...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Mon frère le chasseur est typique des bandes dessinées utilisées à des fins de catharsis thérapeutique. A travers ce roman graphique autobiographique en bichromie, Sarah Herlant dévoile un pan intime de sa famille, comme pour parvenir à l’exorciser, ou pour pousser un cri d’alarme. Son ouvrage raconte en effet la dépression de son frère, asocial, complètement enfermé et obnubilé par les maquettes de guerre et les armes à feu. Les actualités se font souvent l’écho de ce type de personnalité, lorsqu’elles n’ont pas été comprises et maîtrisées : ceux qui en sont victimes se rendent généralement coupables d’un brusque pétage de plomb, voire d’un massacre de masse. Le dessin est simple, stylisé, moderne de par son utilisation efficace des techniques de « la nouvelle BD », en tout cas parfaitement rythmé et découpé, alternant les respirations pleines pages et les gaufriers dialogués. Par ce biais, Herlant ne cherche pas à décortiquer la pathologie sur un plan psychiatrique. Pour rester sincère avec sa compétence – le dessin – elle livre plutôt, de la manière la plus sincère qui soit, ce que cet état d’enfermement a provoqué sur le reste de sa famille et sur elle-même : insomnies, études en vrille, vives angoisses, engueulades… A ce titre, cette œuvre se montre un précieux témoignage, qui permettra aux lecteurs extérieurs d’être confrontés aux effets dévastateurs d’une spirale d’enfermement.