L'histoire :
Une après-midi, Lucho écoute son walkman, assis sur le parapet face à la plage de Barcelone. Du coin de l’œil, il regarde Marina, une jeune fille de son âge qui se fait dorer la pilule en compagnie de famille. Soudain, Marina se lève et vient s’assoir à côté de Lucho. Elle lui propose un rendez-vous pour une ballade avec elle, le soir même à 21h30. Touché et timide, Lucho accepte, évidemment ! Il rentre chez lui tout guilleret à vélo. Mais à la maison, l’ambiance n’est pas au beau fixe : son père a reçu une lettre de son usine qui annonce de sombres perspectives de restructuration. Chez Marina, ça n’est pas mieux : son père ne supporte pas que son aîné dîne à table en tenue de policier : cela lui rappelle trop les sombres heures de Franco. Le soir venu, alors que la nuit est déjà tombée, Lucho se rend à son rendez-vous. Dans une ruelle, il croise alors des voyous qui se saoulent à la bière en faisant des petites conneries… puis il assiste à une surprenante altercation : El Palanca, un flic connu pour sa violence, sors soudain de sa voiture et se met à courser Rico, une racaille qui trafique salement de la drogue. El Palanca le rattrape, le plaque au sol et tente de lui extorquer des informations. Mais étant donné que Rico se fout de sa gueule, El Palanca le frappe, et le frappe… à mort. Et Lucho, caché derrière un bloc de béton est l’unique témoin de ce meurtre. Va-t-il devoir dénoncer un flic à la police ? Pour l’heure, cela lui a coupé l’envie tout rendez-vous avec Marina…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce one-shot à mi-chemin entre la chronique sentimentale et le thriller de proximité est réalisé par un trio d’auteurs ibériques inconnus au bataillon. Nous voilà à Barcelone, en 1990, au moment de la puissante percée de Madonna dans le star-system. Cela commence sur un ton léger et innocent, par une promesse d’idylle adolescente. Puis le récit bascule soudainement, dès la 15ème planche, dans une intrigue de polar, avec un meurtre volontaire et un ado témoin. Un ado qui se demande ce qu’il peut et ce qu’il doit faire. L’intrigue se laisse gentiment découvrir, de manière cohérente et classique, avec tout de même une réflexion de fond loin d’être anodine sur l’auto-justice. La question ne porte pas tant sur la manière que peut agir le jeune héros pour dénoncer un policer auprès de ses propres collègues policiers, que sur le sens moral de sa dénonciation. Car après tout, la victime n’était-elle pas une ordure de la pire espèce ? Son élimination en dehors de tout cadre légal n’a-t-elle pas un fondement moral ? Ici se trouve le distinguo, trop souvent occulté, entre réflexe moral et justice pénale. Le dessin accompagne le récit sur un mode semi-réaliste agréable, avec des tonalités colorimétriques un peu austère, comme délavées par les 28 années qui nous séparent de l’an 1990.