L'histoire :
Un couple s’est installé sur une nappe, en bordure de falaise, sur le littoral, pour pique-niquer en contemplant le coucher du soleil. Les couleurs sont sublimes, dans un dégradé d’orange et de rose. Le monsieur n’est pas très concentré sur ce spectacle romantique : cela lui fait penser qu’il a oublié le rosé dans la voiture.
Dans une préhistoire fantasmée, un gamin en peau de bête rentre dans la grotte familiale avec un œuf gigantesque dans les bras : « J’ai trouvé un œuf de Pâques géant ! » Son père étonné ne voit pas qu’un T-Rex passe lui aussi la tête par l’ouverture de la grotte…
Un homme d’affaire d’un certain âge pianote sur son ordinateur portable, tout en étant très zen et confortablement assis sur une bouée géante, bercé par les vaguelettes successives qui viennent s’échouer sur le littoral. Il rassure son épouse : « J’arrive trésor. J’attends la validation de l’Autorité des marchés financiers pour lancer mon OPA et je viens te mettre de la crème. »
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
François Ravard est un auteur transformiste, tout autant capable de dessiner un thriller réaliste hard-boiled que de proposer ce recueil de dessins « d’humour » plein de tendresse, façon Sempé ou Voutch. Car oui, il n’est pas question ici de se taper sur la cuisse en se gaussant grassement de rire. L’humour pratiqué par Ravard est poétique, finaud, subtil, universel – c’est bien différent du dessin « de presse » qui perd souvent son punch et son sens hors contexte. Tantôt en couleur, tantôt en noir et blanc, l’exercice est voulu comme un pendant français de ce que fait The New Yorker depuis des décennies. Il consiste à mettre en scène divers personnages contemporains en proie à leurs contradictions, autour du sujet central des « addictions ». Addictions à l’alcool, aux réseaux sociaux, au sport, au romantisme, au boulot, aux performances, au smartphone, à la politique, à des passions diverses et variées… Des addictions, ça n’est pas ce qui manque, tout le monde en a. Complété d’un lavis gris ou d’aquarelles, les personnages sont stylisés, en général un peu perdus au centre d’un décor qui les dépasse, dans une mise en scène qui pointe justement leur petite (ou grande) névrose. Ces dessins ont été prépubliés dans Fluide Glacial (ceux en couleur) ou dans Bastille (ceux en noir et blanc). L'album est préfacé par François Morel.
