L'histoire :
La douce odeur de l'automne et ses fleurs orangées ; les chiens qui mettent de l'amour partout ; les rigolades entre amis ; l'amour d'un foyer ; les moments de tendresse et les déjeuners en famille... Ce n'est pas le monde d'Annick, ça. Dans le monde d'Annick, l'automne permet aux feuilles de camoufler les déjections canines pour que les gens glissent dessus, les amis sont faits pour être tabassés, les foyers douillets ne sont que des HLM sales, les moments de tendresse avec sa mamie ont une odeur d'urine rance et les déjeuners en famille se font entre un père dépressif et une mère haineuse. Et ce monde-là, Annick l'adore. Après être arrivée à l'école et avoir allumé sa première clope pour boire un café, la petite fille est enfin tranquille pour écrire un livre sur sa propre vie, dans lequel elle imagine que son père tue sa mère pour toucher une assurance vie (de 20€) avant de se faire lui-même abattre par la police. Ce qui lui permet d'avoir une nouvelle maman qui l'amènera à EureuDisney. Mais son camarade Momo l'interrompt dans ses écrits...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En mélangeant allègrement les codes de la bande-dessinée jeunesse et l'humour noir, comme il l'avait déjà fait auparavant sur Mauvaises Mines, Jonathan Munoz passe la seconde avec Annick Tamaire, pour rouler sans vergogne avec un gros 4x4 à pneus cloutés sur toutes les bienséances de l'univers de la BD enfantine... Autant dire que ça va éclabousser ! En effet, l'auteur ne recule devant rien pour torpiller la naïveté touchante de l'enfance avec des petites historiettes brutes de décoffrage : entre Momo qui a le Sida, Stéphane dont la maman fait le tapin, Bouboule qui fait que manger des chips ou Rouroule qui est en fauteuil roulant, l'artiste fait feu de tout bois pour aller toujours plus loin... et ça marche ! Du côté des dessins, Munoz reste fidèle à son entreprise de destruction massive. En effet, le graphisme, les couleurs et la mise en place des planches remplissent à merveille le cahier des charges de la BD jeunesse traditionnelle et facile d'accès. Mais à y regarder de plus près, on s'aperçoit vite que c'est pour mieux dynamiter le matériau d'origine à grands renforts de scènes trash, qui prend le contrepied de tout un univers gentillet. Voilà un trompe-l'œil fichtrement vicieux pour qui n'y prend pas gare ! Qui plus est, l'artiste distille des traits fins et expressifs et une multitude de petits détails qu'on prend plaisir à découvrir au fil des pages. Ajoutez à ça, quelques scènes sanglantes, immorales et décalés et vous obtenez un p'tit concentré merveilleux... Ce premier tome d'Annick Tamaire représente donc une véritable bouffée d'air frais, comme on aimerait en humer plus souvent. À la fois irrévérencieux, délicieusement trash et ô combien inrecommandable pour la jeune engeance, cette bande-dessinée ne respecte rien ni personne... et c'est pour ça qu'on l'aime !