L'histoire :
Le jour se lève sur Canardville et un cri glauque déchire déjà l’aurore. En ouvrant son frigo, Bruno le Barbare s’est aperçu qu’il n’avait plus de thon. N’écoutant que son courage, il enfile son armure et se rend au supermarché le plus proche. En passant devant le rayon des fruits et légumes, il perçoit le cri de détresse d’une pomme de terre. Celle-ci explique à Bruno qu’elle est une jeune paysanne transformée en patate par un sortilège. Seul l’amour d’un valeureux guerrier au cœur pur pourra la délivrer… Bruno accepte d’être icelui. Il met la madame patate dans son caddy et la ramène chez lui. Au fil des jours, une complicité naît. Geneviève (c’est le prénom de la patate) prend soin de Bruno lorsqu’il rentre tout écorché du boulot. Les voilà amants. Geneviève explique alors à Bruno la stratégie de désenvoutement, en quatre étapes. Primo, monter un meuble en kit sans s’énerver. Deuxio, revisiter la recette du steak haché avec un maximum d’engagement. Tertio, tuer plusieurs dinosaures à mains nues. Quatro, retirer le périphérique en toute sécurité. Enfin, répondre a l’énigme fatale du roi de Canardville. Celle-ci est ardue : l’action politique doit-elle être guidée par la connaissance de l’Histoire ? Vous avez deux heures.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le monde moderne urbain occidental est une chienne. Aussi, lorsque tout va mal, qu’un monstre antédiluvien et nucléaire géant détruit les gratte-ciels, que les femmes disparaissent mystérieusement ou qu’il y a un bourrage papier dans l’imprimante, les autorités n’ont d’autre choix que d’appeler à la rescousse Bruno le Barbare. Ses facultés d’analyse de la situation n’ont d’égale que sa grande expérience pour le combat rapproché avec une hache à deux mains. Dans ce recueil, ce héros des temps modernes né de l’imagination de Rudy Spiessert se décline en courtes historiettes pré-publiées dans le mensuel Fluide Glacial. Il a la tête d’un cadre supérieur dans le tertiaire, mais la corpulence et la tenue de Musclor (dans les Maître de l’univers, que seuls les plus de 45 ans peuvent connaître). Et il vit des aventures parodiques totalement régressives, dans une société contemporaine revisitée à l’aune de tous les clichés de l’heroïc fantasy et de la pop-culture. Souvent, ça part d’une problématique joyeusement débile, et par le jeu d’une digression savante dont Spiessert a le secret, ça se développe de burlesque manière pour finir en une pirouette confondante d’efficacité et jouissive de foutraque. Les super méchants sont des endives, des grands anciens chthoniens, des monstres tentaculaires ou des caricatures d’hommes politiques authentiques (Xavier Bertrand, Robert Hue, François Hollande…). Les dialogues atteignent des sommets de nigauderie assumée, et ils apparaissent avec la police d’écriture de Blake et Mortimer. Régulièrement, de fausses pages de pubs super kitsch tentent de nous vendre une hache en plastique ou des galettes de Chocobruno, pour le 4 heure des héros. Et le dessin en ligne claire proprette, qui s’accompagne d’une colorisation en aplats déclinées de teintes CMJN pures, ne s’encombre guère d’un grand respect des proportions. Mais qu’importe, quand les circonstances ne nous offrent plus que l’espoir de ce justicier ultime, l’efficacité mérite tous les sacrifices.