L'histoire :
Carmen est de retour dans de nouvelles aventures, au milieu de son habituel entourage urbain : escrocs, noblesse déchue, profiteurs, alcooliques… Figures emblématiques de notre humanité dont nous avons honte et que nous préférons ne pas voir et ignorer en les reléguant au fond d’une cour miteuse. C'est ce que vit Carmen, pareille à elle même : elle fait toujours régner la terreur chez ses congénères. C'est au Mas 1872 qu'elle va laver son honneur honteusement bafoué par d'infâmes corbeaux. Elle prend aussi ses précautions – à juste titre – car non seulement sa petite pension attire bien des convoitises, mais on veut même la chasser de son taudis. Carmen manie donc l'attaque préventive avec un art qui ferait verdir de rage les plus va-t-en-guerre des faucons.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Refoulant le Fernet-Branca, Carmen Cru s'attache la sympathie du lecteur par sa maîtrise consommée de l’art subtil de l’insulte et sa capacité mainte fois avérée à ne pas voir ses travers, tout en les soulignant avec talent chez les autres. Or, c'est ici le dernier album de la Tatie Danielle de la bande dessinée. Son créateur, Lelong, nous a en effet quittés en 2004. Cet album posthume est constitué de deux parties inégales. D'abord une histoire, intitulée Thriller, occupe la première moitié de l’album. Elle permet de retrouver tous les personnages emblématiques de l'univers de Carmen : du voisin retraité au neveu, en passant par le duc, Raoul l’alcoolique… Cette histoire, très réussie, nous montre une Carmen vierge outragée, qui démasquera les félons. Le trait de Lelong traque la décadence du corps et de l’âme humaine. L’album présente ensuite, après quelques historiettes assez mineures, la bible du petit monde de Carmen, que Lelong nous a léguée. Ainsi, le lecteur novice rentre plus aisément dans la psychologie des personnages. Il convient alors de relire les albums précédents, à la lumière de ce résumé. Voilà une agréable façon de dire un dernier adieu à Carmen Cru, dont l'humanité et l'humeur grinçantes ont égayé nos lectures.