L'histoire :
Le Président de la République française sort l’Elysée sur un tapis rouge pour monter dans une berline. Le véhicule le conduit à l’aéroport, où il sort du véhicule, toujours sur un tapis rouge, pour monter dans un avion. Ce dernier décolle jusqu’au tarmac d’un pays étranger, où il est accueilli sur un… tapis rouge par son homologue. Ce dernier l’invite à un somptueux banquet dans un salon doré, entouré de convives. Ils signent ensuite des accords (économiques ?) au milieu d’une pluie de flashs photographiques. Ils passent ensuite au cocktail, parmi une foule d’invités. Le Président rejoint ensuite sa chambre d’hôtel, où une pute de luxe l’attend sur un lit. Puis le lendemain, il fait le chemin inverse, toujours sur moult tapis rouges : remontée dans l’avion devant la foule, champagne dans la cabine, cigare dans la limousine et retour à l’Elysée. Son épouse l’attend là, pour un repas garni en tête à tête, servi par des loufiats, sur la grande table de réception. En toute clairvoyance, le Président commente : « Avec tous ces plans d’austérité, c’est vraiment plus comme avant… ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les riches sont des salauds et des enfants de salauds. Et plus on est riche, plus on perd toute mesure de la réalité pour la norme. Ainsi peut-on résumer le propos de James et François Ravard avec ce recueil de gags et dessins humoristiques légendés pleines pages, qui prennent essentiellement pour cible les 0,01% les plus fortunés de la planète. Si la charge globale est caricaturale et un peu facile (mais terriblement cathartique !), les gags pris individuellement sont beaucoup plus finauds et savent renouveler leurs ressorts. Car de l’ultra-richesse, découlent des conséquences désastreuses dans moult dimensions : pouvoir d’achats des classes inférieures, dérèglement climatique, perte d’humanité… Par moment, les auteurs sortent aussi du sujet pour écorner une autre actualité sociale (mention spéciale au discours de De Gaulle). Tantôt d’un cynisme ultime, tantôt plus poétiques, tantôt enfantins, tantôt clairement plus adultes, les registres comiques varient beaucoup, tout autant que la griffe artistique de François Ravard. Le dessinateur joue par moments avec un style minimaliste, proche de celui de Sempé. Et à d’autres moment, son semi-réalisme tire franchement vers le réalisme (la rentrée scolaire). Sa mise en couleur au lavis et à l’aquarelle utilise des teintes délavées, dans un élan très poétique... Pourtant, à maintes reprises, leur obscurité manque volontairement de contraste et tire les atmosphères des saynètes dans une ambiance défaitiste, alarmiste, catastrophiste. C’est désormais certain, les riches auront notre peau.