L'histoire :
Chevrotine et son chien Cassidy (qui parle) vont à la pêche. Ils quittent leur chaumière située au milieu de la forêt et empruntent le sentier jonché de champignons géants et survolé de papillons démesurés. Puis Chevrotine plonge son fil dans une rivière et attend en faisant la sieste. Soudain, ça mord. Elle attrape la canne et remonte… un homme-grenouille, dans le nez duquel s’est fiché l’hameçon. Le voyageur s’est un peu perdu et il n’en veut pas à Chevrotine : il comptait justement se faire percer le nez. Chevrotine est sympa : elle le ramène à la maison pour la nuit. Et puis elle est vraiment très sympa : elle couche avec lui. Et puis elle le tue et le découpe au hachoir. Faut bien nourrir la marmaille, qui en a marre de manger du papillon. Le lendemain, suite à cette petite cuisine classique, chaque enfant a accompli sa besogne. L’un a lavé les draps, l’autre a empaqueté la combi, le masque et les palmes, la troisième a mis la table… Arrive alors le copain Mouillette, sur son hoover-scooter. Mouillette rachète le matériel de la victime pour ensuite le revendre en ville, d’occasion. Ainsi va la vie, insouciante et naturelle, pour Chevrotine et sa marmaille. Or en ville, un puissant industriel s’inquiète de toutes ces disparitions inquiétantes. Il envoie un mercenaire efficace pour enquêter sur ces potentiels bandits de grands chemins. Un certain Higgins…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Pierrick Starsky au scénario, il faut s’attendre à tout, sauf à une aventure conventionnelle de genre. Chevrotine est un recueil-concept d’histoires décalées, appartenant à la fois au registre du conte cruel, du western, de la sorcellerie et de l’onirisme. Dans l’entourage de cette jeune femme emplie de joie de vivre et d’insouciance, il y a une famille de 6 enfants et un chien qui parle, des papillons géants, des cosmonautes qui réparent leur fusée, des scooters volants… On pèche l’homme grenouille, on couche avec, même, avant de le trucider à coups de hachoir. Les cancers du poumon se matérialisent comme des crabes (bavards) à-même la peau, on ressuscite plutôt facilement (quand on sait y faire avec un violon) et on n’est pas à un paradoxe temporel près. Les historiettes répondent au principe de prépublication dans Fluide Glacial et repoussent sans cesse les frontières du cartésien et du prévisible. Starsky jongle avec une forme de poésie de l’absurde et de la cruauté, dans un univers qui obéit aux lois foutraques d’un rêve, mais qui ne semblent jamais incohérentes. Nicolas Gaignard a bien dû prendre du plaisir à dessiner ces aventures fantasques et abracadabrantes, tout en noir et blanc, avec des niveaux de gris et deux légères teintes de bleu et de rouge hyper délavées. Cet album n’est pas précisément humoristique, mais il est assurément une expérience de lecture bizarre.