L'histoire :
De nos jours, un jeune fonctionnaire intègre le bureau de transformation du réel. C'est ici que, depuis des décennies, dans le plus grand secret, on réécrit l'Histoire sous la forme d'un roman acceptable pour la postérité. Le vieil archiviste qui l'accueille lui raconte ainsi la (fausse) mort de Claude François, la victoire (bidon) au Mundial 98... tout ça c'est du pipeau ! Le nouveau venu exhume alors un dossier incroyable : l'élection de Coluche à la présidentielle de 1981. Le vieux lui avoue que l'Histoire a été transformée sur cet événement. Car Coluche a bel et bien été élu à la place de Mitterrand ! L'archiviste se met alors à raconter la vérité sur les premières semaines de la présidence Coluche. Tout s'était joué au moment du débat télévisé entre Giscard et Coluche. Un bon mot de l'humoriste – sur la bouche en cul de poule et le crâne d'œuf de Giscard – avait fait la différence. C'est ainsi que les pixels d'une plume dans un cul étaient apparus aux téléspectateurs sur l'écran du Minitel, le soir du 10 mai 1981. Coluche avait ensuite descendu les Champs Elysées en Limousine, sous la liesse populaire. Sa première mesure : décréter l'apéro général. Or les manifestations commencent aussitôt : il y a des gens qui veulent un apéro inclus dans le temps de travail, d'autres qu'il soit inscrit dans la constitution, ceux qui exigent qu'on consomme des boissons produites sur le territoire national, certains que l'apéro soit remboursé par la Sécu... Coluche comprend vite qu'il lui faut nommer en urgence un ministre de l'apéro !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Et si... Coluche avait vraiment été au bout de sa candidature à l'élection présidentielle de 1981 et qu'il avait été élu ? Sous prétexte d'un bureau secret de réécriture de l'Histoire, les frères Erre imaginent dans cet album rigolo ses premières semaines au pouvoir. Ça commence évidemment par l'invention d'un ministère de l'apéro, ça passe ensuite par des rencontres foutraques et improbables avec les homologues étrangers (Brejnev, Reagan...), les rivaux politiques (Marchais, Chirac, Mitterrand, Le Pen, les écolos...), les corps sociaux, les militaires, les représentants des cultes... Et la bonne idée utopique surgit : et si, pour tout changer, on essayait précisément de ne rien changer ? L'inaction totale théorisée par Gébé (L'an 01) sera la grande mesure de la présidence Coluche. Jean-Marcel et Fabrice Erre découpent leur album en chapitres, chacun représentant une historiette publiée dans le magazine Fluide Glacial. Ils ponctuent évidemment leur parodie dystopique de références à la pop culture des années 80 (Star Wars, Hara Kiri, le Minitel, la mire TV...), de répliques cultes du moment (« La France a peur. C'est un scandale ! Au revoir ! ») ou des aphorismes et extraits authentiques de Coluche (« Ma poule ; Si Dieu n'existait pas, les catholiques l'auraient inventé ; Misèrrreuh ! Krasucki kiki, syndicat caca ») et de références aux us et coutumes du moment. Au final, le propos n'est pas tant de singer la montée du populisme issu de la scène humoristique, façon Pépé Grillo en Italie ou... Jean-Marie Bigard (qui a jadis authentiquement écrit pour Coluche !). Au milieu de cette fantaisie humoristique sans prétention militante, qui ravivera des souvenirs surtout auprès d'un public a minima quadragénaire, les auteurs dessinent en creux le portrait d'un exercice impossible du pouvoir et d'une France qui râle perpétuellement. Clairvoyant !