L'histoire :
Alors qu’il clapote gaiement dans son bain, le Pape reçoit un coup de fil de l’ambitieux Cardinal Albuferque, directeur de la Congrégation pour la doctrine de la foi (la nouvelle appellation de la Sainte Inquisition, depuis 1967), soit les services secrets du Vatican. Ce dernier lui demande de réactiver le commando Torquemada, une unité d’élite qui fut officiellement dissoute en raison de ses dérives iconoclastes. Le commando est composé de Frère Malachie, moine empoisonneur, de Feargal Mc Gowan, flingueur adepte de calembours, et de la sexy Sœur Sarah Terwagne, extralucide. Il s‘agit pour ce trio d’élite de retrouver la pointe de la lance de Longinus, qui servit il y a près de 2000 ans à percer le flan du Christ en croix. En effet, selon la légende, cette dernière confèrerait un pouvoir sans limite à son propriétaire… ce qui peut s’avérer utile quand il s’agira pour Albuferque de coiffer la tiare papale. Le commando apprend qu’après moult pérégrinations, la relique appartient à présent à un collectionneur d’armes, Baudouin-Léopold Charlier. Or, lors de leur visite surprise chez ce belge, ils le découvrent massacré à la machette dans son appartement. Les renseignements du Cardinal les mettent alors sur la piste de Joseph Kibomgo, chef de l’armée de libération du Christ en Ubangui, autoproclamé nouveau messie. Ce collectionneur de reliques sacrées est également devenu un ennemi féroce des bicyclettes, en raison des difficultés qu’il rencontre à les chevaucher (après qu’il ait banni l’usage des engins motorisés). Il vient d’ailleurs d’imposer un nouveau 11e commandement : Tu ne rouleras point à vélo !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Alors que dans le 9e art et les romans grand-public, les thrillers ésotériques ont le vent en poupe depuis un certain Da Vinci Code, voilà un axe original, corrosif et caustique, fort opportun. En effet, la quête occulte à laquelle se livre cet improbable Commando Torquemada est franchement secondaire : le scénariste Philippe Nihoul s’amuse surtout et avant tout à coucher sa verve enluminée et caustique sur la thématique de la sphère œcuménique. De son côté, Xavier Lemmens met le tout en relief, via à un trait stylé et maîtrisé fortement encré, sous des teintes bichromiques. Quelque soit l’orientation religieuse ou spirituelle des auteurs, en voilà deux qui se fichent pas mal du dogme catholique et de ses flonflons. Les vannes pullulent, les dialogues acérés priment sur la logique de narration… et c’est un peu le point faible de cette mise en bouche : elle manque d’une construction rythmée et donc réellement captivante. L’objet de la quête en elle-même n’est que vaguement énoncé, faute de motivation claire… Quel intérêt trouve le Pape à réactiver le commando Torquemada ? Pour que son sombre rival s’empare de la relique de Longinus et s’assure de sa succession ? Néanmoins, le catalogue de bons mots joue de manière féroce, cynique et souvent inspirée avec les expressions et le vocabulaire courant du catholicisme. Extrait : « Je me suis toujours demandé ce qu’il serait advenu de notre religion si Jésus avait été empalé plutôt que crucifié… – Le fondement du catholicisme en eût été radicalement changé… – Les voies du Seigneurs sont impénétrables ». C’est assez rigolo, plus irrévérencieux que réellement anticlérical, mais il n’y a pas de quoi affoler le clergé. C’est tout de même loin de l’ouvrage de référence en la matière, les Ecritures de François Cavanna, qui s’est payé l’exercice de luxe de réécrire la Bible à sa manière. Reste qu’avec un tel premier exercice de style, qui a déjà écumé nombre de passages obligés, on s’interroge sur une suite possible (l’album est numéroté tome 1…).