L'histoire :
Un tempérament cafardeux en permanence, une propension à se gratter le bras jusqu’à se l’écorcher, une incapacité à s’enthousiasmer pour ses proches : Emilie croit bien être en pleine dépression. Elle a 30 ans, un métier, un copain, une famille et il lui semble pourtant qu’elle n’arrive à rien dans la vie. Romain, son copain, est accro aux émissions TV et aux jeux sur console. Dès qu’elle aborde le sujet ou qu’elle tente une rupture, il zappe vers autre chose de plus futile, comme pour ne jamais lui laisser la moindre prise. Thérèse, la « petite » sœur d’Emilie, pharmacienne, a déjà 3 enfants et une vie épanouie… impossible de ne pas la jalouser. Enfin ses copines tentent bien des soirées alcoolisées et font preuve d’empathie… mais elles sont décidément trop barrées pour elle. Un collègue de l’école primaire lui conseille d’aller consulter un psy, et un bon : elle doit souffrir d’un TAG, Trouble Anxieux Généralisé. Emilie prend donc rendez-vous avec la réputée et très vieille madame Soulac. Le premier contact est rude : la vieille a l’air sévère et la consultation dure à peine 5mn. Ses méthodes sont curieuses… mais Emilie retourne la voir la semaine suivante. Séance après séance, elle lui parle beaucoup, lui raconte son enfance, sa difficulté à cerner l’origine de son mal-être. Elle espère ainsi se « libérer »… elle a raison.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers cette chronique sociale truffée d’humour, la scénariste Théa Rojzman définit cependant avec pas mal de sérieux le périmètre de la psychanalyse. A la base, son héroïne Emilie (patronyme : Geoly… la pauvre !) souffre d’un mal-être indéfini, ce qui l’amène à franchir le cap de la psychothérapie. Au gré des discussions et des situations avec ses proches, on la suit dans chaque étape, directe et sous-jacente, de cette démarche. Au besoin, des parenthèses schématiques sont faites pour définir les notions clés : la dépression, l’hypnose, le processus de transfert, le souvenir refoulé… A travers le dessin d’Anne Rouquette, un trait simple mais idéalement séquencé, cadré et rythmé, tout est d’une parfaite limpidité. Ce faisant, les auteurs cernent et transmettent les bases essentielles de la discipline, « la psychanalyse pour les nuls », en quelque sorte. Ce qui est surtout bien joué, c’est que cette approche didactique se fond dans l’intrigue sans jamais prendre le pas sur sa continuité, sans jamais nuire à la cohérence des personnages. Au gré des pages, on compatit, on s’amuse beaucoup, on se met à se passionner pour cette quête de sens : pourquoi fichtre Emilie est-elle dépressive ? Certes, ce « gabarit » de thérapie est à prendre comme un exemple particulier, romancé et léger : chaque cas est différent et induit des mécanismes plus ou moins complexes à décortiquer. Mais rares sont les BD à avoir réussi aussi intelligemment à cerner, sans avoir trop l’air d’y toucher, le sujet sensible de la psychanalyse.