L'histoire :
Cathy, reporter-journaliste sur la chaîne CSS News, est en vadrouille dans une rue de Manhattan, lorsqu’elle reçoit un coup de fil de son rédac chef. En effet, Dieu vient de faire son apparition dans un fast-food entre la sixième et Madison avenue. Son caméraman est déjà en route, elle doit s’y rendre au plus rapide ! Elle chope un taxi en grillant un client et se retrouve 5 minutes plus tard devant une foule immense, qui s’est amassée là, autour d’un cordon de police improvisé. Elle joue des coudes pour arriver devant, retrouve son caméraman et prend l’antenne. En effet, à l’intérieur du fastfood, Charles, un adolescent capricieux et fumiste, en short à bretelles et en chaussettes dans ses sandales, alias dieu, est en train de recevoir sa commande : une bière. Il méprise le plateau-repas que lui offrent avec déférence les serveurs et sort négligemment de la boutique. A l’extérieur, il ne s’étonne pas de la cohue. Pour la disséminer, il pique un révolver à la ceinture de l’un des policiers qui assurent le cordon de sécurité et tire en l’air. Puis il s’envole, tout en buvant sa bière. Toujours extraordinaire, cette apparition de Dieu, précise Cathy face caméra, avant de rendre l’antenne. Mais devoir dire ce genre de truc à des millions de gens ébahis, ça la déprime, Cathy. Elle n’en a rien à carrer du « carlisme », comme s’appelle cette vénération de cet être invulnérable et tout-puissant à l’apparence d’adolescent infernal. Pendant ce temps, Dieu rote et pisse sa bière, en lévitation entre deux buildings…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a une dizaine d’année, Steven Lejeune s’était déjà amusé à parodier « Dieu » en jeune femme dreadlockée et fumeuse de pétard (dans la BD Dieux a les boules). C’est au tour de Jonathan Munoz de le représenter en ado branleur assumé et néanmoins vénéré, au sein d’une aventure foutraque éditée en one-shot et en grand format par Fluide Glacial. Toute iconoclaste soit-elle, sa version de Dieu est néanmoins différente de celle communément définie par les religions monothéistes. Car Charles – c’est le nom de Dieu ! – apparu sous la forme d’un adolescent roux qui aurait besoin d’une bonne coupe de cheveux et d’une bonne fessée de temps en temps, n’interfère finalement pas trop sur la marche du monde. Ses seuls pouvoirs sont d’être invulnérable, de voler comme Superman entre les buildings et d’en profiter pour glander, boire, se taper des meufs… Bref, faire tout ce qu’un ado dégénéré aurait envie de faire, s’il n’y avait ses parents et son avenir à se tracer pour être recadré. Munoz ne lui accorde ostensiblement ni pouvoir de résurrection, ni pouvoir de création débridée, ni d’interférence de masse. De fait, Dieu ponctue une affaire de kidnapping d’enfant en en favorisant l’issue (ou pas), et sa nature fumiste offre surtout un terrain jouissif à moult scènes d’anthologie et répliques caustiques. Des caïds, un clochard, une journaliste et une gamine de huit ans qui n’a pas sa langue dans sa poche lui servent de faire-valoir et font tout le sel de cette histoire rigolote. Visuellement, Munoz en profite pour changer (encore !) de griffe artistique, en déclinant un style humoristique et caricatural abouti. Le découpage est souvent resserré, afin de favoriser les ping-pongs verbaux, mais quelques grandes cases spectaculaires lors des climax resteront en mémoire (p.45 !). S’il plait à Dieu…