L'histoire :
Antoine raconte les premiers signes d’errance de sa sœur Bethy. Tout commence un soir où, allongée dans son lit, elle trouve que sa pierre est bien lourde. Elle est contrainte, comme tous les habitants, de la porter en permanence, quelle que soit son activité. Son frère, lui, ne comprend pas pourquoi elle se plaint alors que lui est en sécurité sous le poids de son rocher. Demandant alors à sa mère pourquoi faut-il porter ces pierres, celle-ci lui répond que certaines questions ne sont pas faites pour être posées et qu'une flopée d’ennuis leur arriverait si elle venait à poser sa pierre. Jadis, son père a lui aussi voulu la poser et il connût un destin funeste. Bethy se fait sermonner par le voisin qui considère que ce n’est pas un fardeau et qu’il faut les porter avec fierté et conviction. D’ailleurs, le remplacement des pierres est une étape importante dans la vie de chacun. Mais Bethy ne l’entend pas de cette oreille. En regardant la télé avec son frère, elle lui propose de poser ensemble leur pierre quelques secondes et de les reprendre de suite pour voir ce qu’il se passe... Il la dénonce à sa mère... pour son bien. Alors, convaincue qu’il n’y aura aucune conséquence, Bethy sort dans la rue, s’agenouille et s'apprête à poser sa pierre sur le trottoir...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fervent défenseur des libertés, l’auteur turc Ersin Karabulut reprend la recette des contes ordinaires d’une société résignée, pour nous livrer une nouvelle série de neuf contes aux thèmes variés. Sous couvert d’un récit d’anticipation, chaque conte évoque un mal de la société. Nous retrouvons la dimension politique prégnante avec l’allusion aux diktats, à la répression d’un peuple et la crainte du régime en place, les difficultés rencontrées par la classe moyenne ainsi que des thèmes un peu plus légers, mais révélateurs d’une transformation sociétale, comme l’hyper consommation de smartphones qui conditionne nos vies, les carcans familiaux, un questionnement sur ce qui sépare le paradis de l’enfer. Et bien d’autres. L’originalité repose sur l’idée de poser un constat, puis de faire passer une opinion de façon décalée et allégorique. L’intensité émotionnelle des contes est différente à chaque fois. Tantôt ils choquent, tantôt ils indignent, tantôt ils surprennent agréablement. Quant au graphisme, il s’adapte aux idées, révélant ainsi un réel talent à se fondre dans une multitude d’univers graphiques différents. De l’art habile de faire passer des messages par la force de l’image.