L'histoire :
En 1979, un certain Gotlib, probablement ami, tout du moins une relation de Daniel Goossens, témoignait de quelques-unes de leurs rencontres :
« Suite à un rendez-vous pris par téléphone, Goossens vint me voir. Il arriva exactement à l'heure convenue mais avec quatre jours d'avance. Compte tenu du fait que le rendez-vous n'avait été pris que la veille, on peut donc constater que Goossens y arriva trois jours avant que ledit rendez-vous n'ait même été pris. Comprenne qui pourra, je me borne à relater les faits.[...] La cinquième fois que je rencontrai Goossens, je ne le reconnus pas quand il entra dans mon bureau. Au moment où il s'asseyait, le téléphone sonna. C'était lui qui m'appelait pour me dire qu'il s'était laissé pousser la barbe. Après avoir raccroché, je lui dis que c'était à cause de cela que je ne l'avais pas reconnu et il me répondit que c'était justement pour me mettre au courant qu'il m'avait appelé. [...] La septième fois que je rencontrai Goossens, j'étais en villégiature aux Baléares, cependant qu'il donnait à Copenhague une série de conférences sur le thème Comment éviter un lavement à poire sans que l'infirmière ne s'en aperçoive. La huitième fois que je rencontrai Goossens, je venais juste de mourir et il était sur le point de venir au monde. Nous eûmes à peine le temps de nous saluer ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Vous avez certainement lu un gag de Goossens, dans un passé simple relativement proche d'un futur antérieur approximativement présent, pour reprendre encore un peu de l'expression de Marcel Gotlib. Voici donc, avec ce troisième volume de la collection des Grands crus classés de Fluide Glacial, quinze extraits de son œuvre, choisis par autant d'artistes qui se fendent d'un petit commentaire, parmi lesquels Benoît Poelvoorde, Fabcaro, Binet, Lefred-Thouron, Tronchet, Édika et bien d'autres, dont on implore le pardon de ne pas les citer tous, si un hasard iconoclaste les amenait à avoir le courage indubitable de parcourir ces lignes faméliques. Mais que voulez-vous, il faut bien faire des coupes franches, par ce que, sur Internet, il paraît que le lecteur se lasse vite. Alors qu'il va en avoir pour une centaine de pages à se tenir les côtes avec ce bel ouvrage, on vit une époque bien paradoxale, mon brave Monsieur et ma petite Dame... 15 extraits et un inédit. Un peu comme un échantillon représentatif de son univers, à la fois très ancré dans l'air du temps, et au ressort jamais grippé qu'est l'absurde. Mais un absurde qui a toujours une logique, un peu comme le surréalisme de Dali s'appuyait sur des perspectives et des règles de composition classique. On veut dire par là que ça part dans tous les sens, mais avec une fluidité qui ne laisse personne de glace (à ce stade de la chronique, vous êtes tout à fait légitime de nous adresser un mail d'insultes) (mais à conditions qu'elles soient poliment exprimées). Voilà, vous l'avez compris, on n'a pas de mots... donc on tourne autour du pot. C'est impossible de traduire la finesse du travail de Goossens. Allez donc en librairie vous procurer cette BD, vous perdrez moins de temps qu'ici et au moins, vous rirez franchement !