L'histoire :
Le 3 août 1914, Pierre Fardin explique à son amoureuse Suzanne qu’il est mobilisé pour partir à la guerre. Les gars du village sont terriblement excités à l’idée de partir buter des boches, persuadés que ça va être vite expédié. Mais lui, il sent que ça va être beaucoup plus long qu’escompté. En plus, il redoute presque plus les quolibets de ses camarades crétins que les ennemis teutons. Quelques semaines plus tard et la guerre est bel et bien concrète. L’organisation de la vie dans les tranchées, dans la boue, sous la pluie, rythme un quotidien sans horizon ni espoir. Bapt a la chiasse, il se vide aux feuillées. La relève de la garde est donc avancée d’une heure. Mais tandis que ses camarades s’aperçoivent qu’ils se connaissent et se remémorent le bon vieux temps, Bapt s’endort et choit dans les latrines. Plus tard, les poilus découvrent un boche mort, assis sur un banc de leur propre tranchée. Mais qu’est-ce qu’il foutait là ? Plus surprenant : un camarade fait prisonnier un autre fridolin, lui aussi curieusement trouvé dans la tranchée française. Il semble que la dernière bataille a été tellement rude que les repères ont été brouillés. En effet cinq poilus se sont inversement perdus dans la tranchée adverse, il va falloir procéder à un échange…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Guillaume Bouzard commémore à sa manière le centenaire de Verdun : en consacrant une série « humoristique » aux Poilus dans les tranchés. Dans ce (premier ?) opus, est en effet réunie une quinzaine d’historiettes de 1 à 6 planches (plus deux cases géantes pleines pages), prépubliées dans le mensuel Fluide Glacial. C’est un exercice délicat que de faire rire avec l’horreur absolue, même pour un auteur qui a le talent secret du bidonnage absolu. L’auteur trouve donc un juste milieu, sucré-amer, alternant les vannes bien foireuses entre poilus (la compagnie qui concentre tous les mecs avec un patronyme salace) et les moments graves, voulus plus mémoriels que drôles (le bilan sur les copains du village). Aussi, les Poilus n’est sans doute pas la BD la plus drôle de Bouzard, mais elle réserve tout de même d’excellent moments zygomatiques (les mecs qui creusent à la recherche du trésor des templiers, les rugbymen qui droppent des grenades). Parfois, il trouve le moyen d’allier les deux, avec des historiettes cyniques qui font rire jaune tout en délivrant un message de fond sur l’obscène absurdité de la guerre (la lettre terminée post-mortem par les copains). Son style graphique reste fidèle à lui-même : un trait « rapide » comme jeté rapidement sur le papier, mais parfaitement expressif, caricatural, cadré et rythmé.