L'histoire :
Au cours de l'été 1936, Simon et Anatole, deux ouvriers, utilisent leurs tout premiers congés payés pour partir à l'aventure en vélo. Ils oublient juste de prendre une carte routière et le premier soir, ils sont déjà perdus en forêt, épuisés. Une lueur à travers les arbres les conduit jusqu'à un magnifique château, où ils espèrent trouver le gîte pour la nuit. Ils n'ont pas besoin de demander : à peine la domestique leur a t-elle ouvert la porte, que la noble propriétaire des lieux les prends pour les nouveaux domestiques. Colette, la bonne, les conduit jusqu'à leur chambre, en leur présentant au passage Henri, le fils de sa maîtresse, un adolescent au regard lubrique, puis Emilie, sa propre fille, au minois fripon, également au service de « Monsieur ». Une fois seuls et confortablement installés, les deux copains sont ravis ! Ils décident de se prendre au jeu : vues les allusions perverses de la bonne, la maison semble relativement encline à la gaudriole... il y a sans doute moyen de se taper une dame de la haute ! Ça ne tarde pas à se confirmer : ils perçoivent de sourds gémissements en provenance du salon. Le lendemain, tandis qu'Henri se déniaise en jouant avec Emilie, Simon enfile les habits du majordome et fait preuve « d'initiatives » auprès de sa patronne. Pendant ce temps, Anatole enrage : lui, est cantonné aux écuries...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce one-shot en noir et blanc, Grégory Mardon s'essaie avec bonheur (et félicité) au genre érotique. Son scénario enchaine volontairement et naturellement les poncifs (c'est un peu la loi du genre), avec l'objectif d'utiliser de manière optimale les fantasmes courants du registre. Pour le pitch : deux potes se retrouvent par accident coincés au service de châtelains pervers (fantasme n°1), et dont la soubrette (fantasme n°2) fait également preuve d'une certaine ouverture d'esprit. Sur cette partition en rut majeur, Mardon passe en revue un large catalogue de pratiques condensées du Kamasutra, avec légèreté et humour. De manière simple, directe et auto-suffisante, sans s'appesantir sur les nombreuses scènes de luxure (c'est plutôt l'apanage du 7e art), il n'oublie rien : relations buccales, vaginales ou annales, hétéro ou homo (des deux sexes), avec un crochet par la domination et le bondage. Plutôt habile à manier le... crayon, Mardon n'a aucune difficulté à représenter les positions variées, les corps entrelacés et à rythmer les interludes indispensables permettant le développement de l'histoire. Pour le climax, alors qu'une énième partie de jambes en l'air s'enclenche, une double page est intelligemment cachetée, histoire de jouer avec le caractère voyeur du lecteur... Or, il est indispensable de déflorer votre bel album : c'est (parait-il, hum...) la scène la plus chaude ! Autre exemple de finesse : pour introduire et conclure son histoire, Mardon use d'une représentation fortement encrée et symbolique de la route à travers les arbres (floutez votre œil, ou regardez de loin...). Le choix de l'époque est également lourde de symboles : il y a comme un écho entre la libération enfin procurée par l'instauration des congés payés et le plaisir charnel débridé...