L'histoire :
Chaque jour, dans les grandes villes, des millions de quidams montent dans un bus. Tandis que le véhicule effectue son parcours, certains jeunes à l’intérieur lisent sur tablette ; d’autres, plus vieux, s’intéressent à cet instrument du progrès technologique… juste de quoi distraire les jeunes et leur faire louper leur arrêt. Dans le fond du bus, un autre gars insulte copieusement et à haute voix ses voisins… qui n’entendent heureusement rien, car ils ont mis la musique à fond dans leurs casques audio. Il y a aussi le cas de Madame Lucas, une folle. Quand le bus dans lequel elle est montée s’arrête au feu de l’avenue de l’Amiral Courbet, elle colle à la vitre la photo d’un chat, juste histoire d’exciter le chien. Plus tard, plus loin, c’est une pancarte « I love OGM » qu’elle exhibe à la devanture d’un resto bio… Avec des clients pareils, les journées du chauffeur ne sont pas de tout repos. Tenu au devoir de politesse, il perd parfois son sang-froid et verse volontiers dans le sexisme. Puis, pour se remonter le moral, il passe en boucle les émissions radio enregistrées lors des grandes grèves de 1995…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Prendre le bus. Voilà une activité typiquement anodine et platement ordinaire, qui se révèle finalement fort riche en potentiel comique. En tout cas, c’est à partir de cette idée simple que Jean-Michel Thiriet, pilier de chez Fluide Glacial, décline dans ce premier album une quantité indéterminée de situations légèrement caustiques et/ou franchement bidonnantes et/ou habilement décalées, mais plutôt grand-public (pas de cul, pas de tripes à l’air), sans jamais être ni redondant, ni « faux ». Parvenir à une telle variété dans cette inspiration basique, relève de la gageure. Tantôt c’est le chauffeur qui déclenche le gag, tantôt les passagers. Et à 95%, l’intérieur du bus sert de décor à Philippe Bercovici, qui met en scène de sa griffe dynamique ces petites parenthèses piquantes en transports urbains. Le qualificatif « indéterminé » est de rigueur car, a contrario de l’orthodoxie narrative des recueils d’humour BD, le gag surgit ici plusieurs fois par page, sans prévenir, généralement en bout de ligne. Et pas que. C’est plutôt une bonne idée, car cela permet au scénariste de s’affranchir du caractère artificiel du rire attendu à un moment T (et de fait, pas toujours percutant). Néanmoins, si ce premier tome est plutôt équilibré et bienvenu, on peut s’interroger sur la capacité de renouvellement dans un second volume…