L'histoire :
Michel est une sorte de looser inné. Il a beau se regarder chaque matin dans le miroir en se lançant un « Salut vainqueur », tous les gens qu’il croise le méprisent ou le négligent. La concierge grommelle à son passage, le moindre regard sur une jolie nana dans le métro lui vaut des remarques, ses collègues de bureau le saluent à peine, et il passe toujours après la dernière assiette de frites au self du boulot. Il raconte ce mal-être à un psy, mais c’est afin de mieux insister sur sa subite condition nouvelle, radicalement opposée. Car un beau matin, sans prévenir, sans comprendre, il s’est mis à susciter admiration, distinction et amour de la part de la gente féminine. On lui a demandé des selfies, on lui a apporté des cafés, on s’est assis à côté de lui à table, on l’a embrassé de manière impulsive sans raison, on lui a systématiquement payé le resto… Jusqu’à sa directrice qui l’a invité à une soirée mondaine chez elle, afin de lui faire des gâteries en cachette de son mari. Son nouveau statut de vedette lui vaut même d’apparaître dans les pages people des magazines ! Mais que s’est-il passé pour qu’un changement aussi radical ait pu se produire ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le pitch de ce one-shot imaginé par Arnaud le Gouëfflec et infographiquement dessiné par Yannick Grossetête est on ne peut plus simple : c’est l’histoire d’un type lambda impopulaire et méprisé, qui devient soudainement et de manière aussi surréaliste qu’incompréhensible, populaire et adulé. Bien sûr, il y a une explication, que les auteurs révèlent dans les dernières pages et que nous tairons ici. Mais sa mécanique n’est pas la vocation première de la chronique sociale, sentimentale et humoristique produite. A travers ce « super pouvoir » tombé du ciel, tout en mettant en scène des situations funs et caustiques, les auteurs nous interrogent sur ce qui fait l’aura, la popularité naturelle de chacun. Ou plus exactement, ils questionnent la perception qu’on peut avoir de notre propre personnalité auprès d’autrui. Pourquoi ai-je un jour la sensation d’être un winner sex-symbol, et le lendemain une sous-merde déprimée ? Pourquoi accroche-t-on la sympathie (voire plus si affinités) ou suscite-t-on le mépris ? Question de comportements, de phéromones, d’éducations, de milieux culturels, de regards, de sourires, de « période » psychologique ? Un peu de tout ça ? Personne n’a jamais la réponse exacte. Ces dimensions sont évidemment absentes de la narration, qui se contente de mettre en scène de manière cocasse le héros Michel et son faux-air d’Alain Chabat des années 90, dans ses aléas sentimentaux et/ou dépressifs… mais c’est l’effet que continue de produire cette BD, après l’avoir refermée. Une seconde dimension, plus philosophique, se demande aussi si le bonheur peut résider dans une vie sociale / amoureuse démentiellement épanouie. Une question fort-à-propos, au regard de l’époque fortement axée sur les réseaux dits sociaux. Vous avez quatre heures.