L'histoire :
La dernière élection présidentielle a abouti à un changement de majorité, donc de gouvernement. Sur le plateau d’un débat télévisé, l’ancien ministre de l’industrie « affronte » le nouveau ministre aux charcutiers, Lucien Grangarçon. Avant même de s’emparer d’un prétexte, les deux politicards trouvent matière à polémique. Fier de sa ligne de conduite, Grangarçon annonce qu’il va consulter le vieux président Quelfier dans sa retraite de province. Ça ne signifie rien, mais au moins ça clôt le débat. Le problème du lendemain est : quelle annonce importante Grangarçon va-t-il bien pouvoir débiter à la sortie de son entrevue avec Quelfier ? Pas de panique, le conseiller de Grangarçon a déjà préparé un texte. La rencontre a lieu à huis-clos. Ainsi les journalistes n’ont pas connaissance de la sénilité du vieux, complètement gaga depuis 40 ans. A son retour au ministère, Grangarçon a la désagréable surprise d’apprendre que l’hôtel particulier qui lui servait de ministère est déjà occupé par le Ministre de l’Ecologie. En rage, Grangarçon va aussitôt en référer au Premier Ministre et avoir gain de cause, grâce à un chantage. Sa première mesure une fois à son fauteuil sera de virer tout ce que ses adversaires ont fait…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Initialement publié en deux tomes (1989 et 1990), Monsieur le Ministre nous revient aujourd’hui dans une version intégrale de luxe proposée par Fluide Glacial. Et il nous revient en pleine poire, tant les simagrées politiques parodiées il y a 25 ans par Christian Binet n’ont pas pris une ride chez la grande majorité de nos guignols contemporains. Dans une première partie (correspondant au tome 1), l’anti-héros Lucien Grangarçon est ministre des charcutiers – pensez, un poste capital pour redresser la France, déjà en crise – avant d’être, dans une seconde partie (correspondant au tome 2), suffisamment couillon pour accepter de cumuler tous les ministères, après un remaniement. Par ses procédés dialectiques, par la gestion savante de son image médiatique, par son populisme primordial, par son exigence à maintenir ses privilèges, par sa faculté de penser avant toutes choses à contrecarrer l’opposition, Grangraçon est un monstre de politicard. C’est-à-dire incontournable, indéboulonnable et néanmoins nul à ch… Binet a certes surtout marqué son temps en installant une icône nationale, la satire tendre et cynique du couple beauf Bidochon, mais il s’avère donc tout aussi mordant pour souligner en paroxysme les affres de la politique politicienne, pathétique et hélas atrocement réaliste. Certes, cet ouvrage participe logiquement au succès grandissant du parti des abstentionnistes, mais il est formidablement utile.