L'histoire :
Pacifique le Quellec est marin-pêcheur, son propre patron sur un tout petit chalutier breton baptisé « Denise ». Il ne porte pas le chapeau rond, mais un jogging orange et une antique casquette « Mammouth ». Dans le troquet du port où il passe le plus clair de son temps, ses copains se foutent de sa gueule parce qu’il affirme qu’une mouette lui parle. Et elle ne lui parle qu’à lui, et plutôt quand il est en mer. Quand il est seul au large – en compagnie de sa mouette – ce vieux garçon solitaire déploie sa canne à pêche et boit des bières. Il tire aussi derrière son rafiot des bouteilles de pinard attachées par un bout de corde. Ainsi immergées dans l’eau, elles restent à bonne température. Une nuit, tandis qu’il s’est endormi devant la télé dans sa masure au bord de la mer, il entend des bruits obscènes provenant de sa pâture. Des jeunes ont planté sauvagement leurs tentes, sans demander une quelconque autorisation. Pacifique leur précise de décamper dès l’aube. Mais le lendemain, les jeunes se foutent de sa gueule et se barrent à la plage en laissant leurs tentes. Alors Pacifique autorise un copain éleveur à mettre ses moutons dans la pâture pour leur faire brouter l’herbe fraîche… et les fringues des jeunes. Un peu plus tard, une jeune femme sexy l’aborde alors qu’il est à quai sur son bateau, pour lui demander s’il accepterait de l’emmener faire du snorkeling vers les îles au large. Evidemment, Pacifique accepte. Surtout qu’après sa ballade en palmes et tuba, la nana se désape et se laisse bronzer topless…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il se prénomme Pacifique, mais il est marin-pêcheur breton, avec barbe, jogging et mégot au bord des lèvres. Le décalage psychologique du personnage par rapport à sa condition va se révéler au fil de cette histoire complète. Ce type de récit en one-shot est suffisamment rare pour être souligné, au sein du catalogue Fluide Glacial, qui propose d’ordinaire des recueils d’historiettes courtes et humoristiques (précédemment parues dans le mensuel). L’humour est cependant bien de mise, mais il est subtil, léger, sous-jacent et ne représente pas la plus-value première du scénario de Pog. Cette raison d’être vient donc de la personnalité de Pacifique, vieux garçon solitaire et un peu folklo, qu’on prend d’abord pour une caricature de marin-pêcheur, un pilier de bar alcoolo facho au cuir tanné. Mais s’il est certes bourru et blasé, l’homme est l’antinomie du facho et se révèle progressivement plus profond qu’il n’y paraissait. Notamment à partir du moment où débarque dans sa vie Alice, une lesbienne peu farouche et écolo. Pacifique apprécie certes de mater ses nichons quand elle se met topless, mais il comprend et respecte sa libido différente et devient ami et confident. Au gré de flashbacks, on découvre son passé, son humanisme, sa sensibilité, sa nostalgie, sons sens citoyen étonnamment moderne pour un ringard qui ne connait même pas les termes « snorkeling » et « topless ». Il ne se passe rien d’autre de très spectaculaire, nous naviguons ici dans une chronique sociale subtile et foncièrement attachante. Le dessin d’obédience humoristique de Cédrick le Bihan, toujours juste dans sa composition, se met dans le sens de la bise qui souffle sur ce littoral estival. Sa Bretagne avec du ciel bleu sort autant des clichés que l’ambiance de cette histoire simple, humaine, écolo, reposante et bienveillante. Vive les bretons.