L'histoire :
Paracuellos de Jarama, à une grosse vingtaine de kilomètres au Nord-Est de Madrid. Le régime de Franco a beau jeu d'entretenir des dizaines de foyers d'assistance publique. Des milliers de gosses se retrouvent orphelins. La guerre civile est passée par là. Et quand ils ont encore un père ou une mère, bien souvent ceux-ci sont eux-mêmes malades et toujours, dans l'incapacité de les prendre en charge, concrètement, de les nourrir. Alors l’État franquiste le fait, en distribuant une soupe aussi claire que le verre d'eau unique auquel ils ont droit chaque jour. En servant dans l'écuelle ce qui ressemble à un poivron pour le plus chanceux de la tablée, mais qui est une souris tombée dans la marmite... Pourtant Monolo, Pablito et Perucha passent quand même de bons moments, il le faut bien. De temps à autres, ils reçoivent un paquet de leur mère, une lettre dans laquelle elle leur donne des nouvelles de leurs frères, placés dans d'autres foyers, car ils accueillent les garçons par tranche d'âge. Et puis il y a les illustrés. El Cachorro. Ce magazine dans lequel des héros vivent des aventures extraordinaires...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Paracuellos consacre le devoir de Mémoire des temps les plus sombres de l'Espagne, celle du franquisme, mais il ne faut pas oublier que Carlos Giménez a eu toutes les peines du monde à pouvoir publier cette série en Espagne. En 1979, il a 38 ans et a déjà publié des centaines de pages. Franco est mort de puis 4 ans et quand Giménez présente les premières planches de cette histoire, personne ne veut se pencher sur le récit de mômes misérables et maltraités par les Maisons de l'Assistance Sociale franquiste. A cette époque, le joug militaire s'est desserré, mais il est trot tôt pour regarder en face les blessures qui ne sont pas encore refermées. Et puis les éditeurs espagnols ne lisent pas les histoires. Il se basent sur le graphisme, de préférence avec des pin-up... Alors le gaufrier et les petits garçons chétifs, ça ne les emballe pas. Ce n'est qu'après sa publication en France, en 1981, chez Fluide Glacial, que la série trouve l'écho international qu'elle mérite, imposant son auteur comme un des plus grands. Vingt après, il lui donne une suite. Et après une nouvelle coupure de plus de quinze ans, voici donc les tomes 7 et 8 réunis dans cet album, qui sont en quelque sorte la « reprise et mise en image » de textes que l'auteur avait été prié d'ajouter à la première publication et qui ne figuraient pas aux rééditions. Il l'explique dans sa préface : pour une question de pagination, il avait du compléter la BD d'anecdotes écrites, comme des petites nouvelles. Cette partie-là étant en quelque sorte tombée dans les oubliettes, alors qu'il avait toujours eu envie de la raconter et de l'inclure définitivement à son œuvre séquentielle, constitue l'ossature de ces 140 nouvelles pages. La boucle est désormais bouclée, avec ces tranches de vie quotidiennes où, comme depuis le début, il arrive à décrire la misère sans misérabilisme : des gosses qui vivent dans un foyer où il n'y a même pas d'eau, qui attendent que le camion citerne arrive pour avoir droit à un verre d'eau par jour. Des gosses dont un monte la garde devant le rosier, parce qu'ils crèvent tellement la dalle qu'ils bouffent toutes les fleurs qu'ils peuvent trouver... et les quelques herbes qui poussent autour du Foyer. Des gosses frappés par des religieuses qui servent docilement la dictature. Mais aussi des gosses qui ont leur part de rêve et qui, parfois, croiseront la route d'un adulte bienveillant. Des gosses qui ont tissé des liens pour la vie. Des gosses que vous n'oublierez pas une fois que vous aurez lu un bout de leurs vies...