L'histoire :
En relisant les Bidochon de Grognet (ou de Bonet ?), Louis a une fulgurance : il sait comment faire une adaptation de cette oeuvre en la magnifiant. Car cette BD prend pour cadre un HLM, or un HLM ne peut pas faire rêver les gens. Cela manque de passion, de romantisme exacerbé. Aussitôt, à l'intention de son compagnon Georges, il évoque ce que serait la relation entre Raymonde et Robert dans le contexte américain et colonial d'Autant en emporte le vent. Robert vient ainsi faire la cour à Miss Bidoche, qui joue d'autant plus sa mijaurée que lui se fait de plus en plus goujat. Puis un périple africain est imaginé sur la piste des Magombos. Starring : Miss Brenda, dame du monde, qu'accompagne l'explorateur McCabe, ainsi qu'une armée de porteurs noirs. Ils rejoignent un camp de base établi au fin fond de la jungle, où se trouve déjà le jeune époux de la belle. Là, Brenda fait la connaissance de l'aventurier ultime, Butch Braddock et... elle tombe foudroyée sous son charme viril. Pourtant Braddock est rustre, borgne, manchot et il est devenu expert dans la chasse d'un gibier très particulier : le bébé de brousse. En effet, les indigènes raffolent de leurs couches-culottes. Quand Brenda découvre cette pratique barbare, elle s'insurge ! Néanmoins, ses hormones auront le dernier mot...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Daniel Goosens nous revient aujourd'hui avec un recueil d'historiettes de longueurs variables, tournant autour de la thématique de la passion, ou du romantisme exacerbé. Tantôt ce pilier de chez Fluide utilise la parodie et écluse alors les clichés de la culture mainstream qui sévit dans le registre – et notamment l'âge d'or hollywoodien, comme en couverture. Dans le style, la plus longue histoire (de 16 planches) nous emmène dans la brousse africaine pour une chasse au bébé sauvage et à la couche-culotte (!) des plus saugrenues et géniales à la fois... ce qui nous éloigne certes de notre sujet. Le plus souvent, Goosens propulse la question de la romance dans les cerveaux bancales de ses deux héros récurrents, Georges et Louis. Ces deux-là se retrouvent aussitôt travestis en amants fiévreux jouant des scènes d'une jouissive absurdité. Chercheur en intelligence artificielle dans le civil, Goosens prouve par là sa clairvoyance anthropologique ou psychanalytique de notre condition humaine (la relation à la mère). En même temps, il s'amuse comme un vandale éclairé des grandes figures classiques et des parades amoureuses anthropologiques. Puis cruellement ironique, il met aussi en exergue la passion fraîche et pure, celle qui jaillit d'un premier regard sauvage, avec les relations tarifées. Bref, tout est dit profondément et légèrement à la fois, dans un extraordinaire paradoxe antinomique, sur cette belle connerie qu'est l'amour. Notons bien que pour être raccord avec le talent précédemment cité, l'éditeur a soigné l'écrin : grand format, pelliculage mat, il fallait au moins ça !