L'histoire :
Sous son trench-coat beige et son chapeau feutré, mégot au bec, Philipp Kradow est un détective privé de la vieille école, œuvrant dans les bas-fonds de San Francisco. Il roule en Cadillac rose, boit du whisky comme du p’tit lait et il est en permanence fauché. C’est ce qui le pousse à accepter un échange de bons procédés avec sa compagnie d’assurance : il enquête à titre gracieux sur une histoire de fraude, et en échange son contrat d’assurance sera reconduit. Hélas, un accrochage avec un jeune braqueur tourne mal. Kradow dégaine son arme et plonge pour tirer en roulant sur le côté, façon Mel Gibson… en oubliant que les rues de San Francisco sont en pente. Du coup, il dévale toute la rue, de plus en plus vite, provoquant catastrophe sur catastrophe… Plus tard, il invite une jeune femme dans un grand restaurant, avec l’objectif assumé de pouvoir la sauter. Hélas, le mari débarque et le pugilat ternit sa soirée… Un autre jour, c’est la voisine qui débarque dans le bureau de Kradow et le physique de celle-ci suscite en lui quelques chaleurs. Le voilà qui raconte son traumatisme du Vietnam – où il n’est jamais allé – pour expliquer cet état fébrile…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après s’être payé la poire des scientifiques qui bossent dans les bases militaires secrètes (Forbidden Zone), ou des agents de l’espace en quête d’une hexo-planète (Cosmik Roger), Mo/CDM pastiche un autre archétype mythique : le détective privé façon Philip Marlowe (by Raymond Chandler). Evidemment, Philipp Kradow porte un trench-coat, un chapeau enfoncé qui cache ses yeux, il clope, il boit, il est bedonnant, obsédé sexuel, atrabilaire, fauché et… c’est un looser accompli. En effet, il se fait magnifiquement entuber ou foire majestueusement la totalité des 13 courtes enquêtes ici recueillies et prépubliées dans le magazine mensuel de l’éditeur, Fluide Glacial. Notons au passage le changement de format pour ce type d’album : Fluide passe enfin au grand volume, certes plus cher, mais mettant aussi mieux en valeur le dessin et le découpage des planches. Sur ce plan, Mo maîtrise tous les compartiments de la narration séquentielle. Cela commence généralement par une voix off qui raconte un peu n’importe quoi, mais très sérieusement et avec un sens du vocabulaire peu commun, souvent sur fond de cases contemplatives campant le décor. Puis Kradow déroule l’enquête, rythmé par des protagonistes systématiquement décatis et expressifs, pour finir par se prendre pleine poire une chute que le lecteur n’avait pas forcément vu poindre. On note aussi les clins d’œil caustiques à Bernadette Chirac et Valérie Trierweiler…