L'histoire :
Cendre – de son vrai prénom Sandrine – travaille en tant que chef en second dans un restaurant huppé parisien. Ce soir-là, une cliente exige un repas spécial pour son… chien. Rognons de veau, mais sans vin blanc et sans crème fraîche. De la grande cuisine pour un chien, on aura tout vu ! Cela dit, Cendre reconnait dans cette cliente une ancienne chanteuse à succès, qu’écoutait jadis sa grand-mère. Alors elle fait un effort pour ravaler son caractère de réac’. Plus tard, à l’heure où le restaurant ferme, Cendre sort fumer sa clope dans la ruelle de derrière. Elle y surprend un SDF d’origine maghrébine qui récupère ce qu’il peut dans les poubelles. Cela la bouleverse, quand elle repense qu’elle a cuisiné pour un chien… Le lendemain soir, au terme d’un nouveau service réussi, elle s’aperçoit que ses collègues mettent de la javel sur la nourriture jetée aux poubelles, à la demande de la Direction, afin que les restes soient immangeables. C’en est trop, ce genre de décision la scandalise. Elle démissionne, mais non sans avoir offert un ultime plat à son nouvel ami SDF : un sauté de porc aux navets. Evidemment, celui-ci ne mange que les navets, sa religion lui interdit le porc. Dès le lendemain, Cendre s’en va rendre visite à sa vieille maman, dans un village du Lot. Elle a besoin de se ressourcer, quand bien même elle sait qu’elle a hérité du même caractère de cochon de sa mère…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce one-shot grand format et à forte pagination (70 planches) nous narre une belle histoire, qui vous mettra assurément en appétit. C’est l’histoire d’une jeune parisienne dotée d’un caractère entier (dira-t-on) et douée pour la cuisine, qui fait un burn-out des usages guindés et de la scène gastronomique parisiennes. Elle descend en province et retrouve le plaisir des choses simples et naturelles. Comme Manu Larcenet en son temps, elle fait son Retour à la terre et monte son petit restaurant artisanal, à partir de produits du terroir. Fabien Grolleau a mijoté un scénario aux petits oignons, qui permet d’aborder tout un tas de sujets dans l’air du temps, liés à la nourriture ou aux aberrations de notre société. Cendre compatit avec les SDF ; elle est anti-raciste positive ; elle s’insurge contre toutes les violences sociales ; elle ambitionne un idéal d’indépendance, que facilite son caractère volontaire ; elle ne veut pas trop cuisiner de viande par principe écologique ; elle donne sa chance aux jeunes rebelles ; elle a le don pour rassembler autour d’elle… Ce caractère un peu trop vertueux pour être crédible permet néanmoins de rythmer une belle histoire du terroir, et de chatouiller les papilles gustatives. Au dessin, Cédrick le Bihan fournit une partition semi-réaliste agréable et aboutie : expressifs, les personnages sont attachants, les décors sont soignés et campagnards, le découpage est rythmé et varié… De la succulente cuisine de terroir, en somme ! En postface, après deux courtes recettes, les auteurs portent le focus sur l’histoire d’un restaurateur qui est précisément en train de faire (dans la baie du Mont Saint Michel) ce que vit Cendre. Enfin… quand la crise du Covid nous permettra de retourner dans les restaurants !